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A.R.
30 août 2021

Les enseignements du porte-feuille de Rimbaud

Les premières lettres de Verlaine à Rimbaud trouvées dans le porte-feuille de Rimbaud lors de son audition à Bruxelles après le drame du 10 juillet 1873.

Il est significatif de voir que Rimbaud avait conservé dans ce fameux porte-feuille des lettres de Verlaine qui dataient de plus d’un an. On a peu souligné ce fait qui montre l’importance pour Rimbaud de sa relation avec Verlaine.

La première lettre est datée sans certitude par Pakenham en mars 1872 :

 

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Suis une lettre datée du 2 avril 1872 :

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Puis une troisième lettre écrite du Cluny et datée par Pakenham du 28 ou  29 avril : 

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Enfin trouvé dans le fameux portefeuille le poème de Verlaine « Le bon disciple » daté de mai 1872

bon disciple

>

On comprend que ce poème ait eu son rôle dans la condamnation sévère de Verlaine par les juges belges.

 

 

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17 août 2021

Documents pédagogiques

 http://abardel.free.fr/rimbaud_sur_la_toile/documents_pedagogiques.htm

  • Sites portails :

Sur "Weblettres" : http://www.weblettres.net/sommaire.php?entree=2&rubrique=8&sousrub=338

Sur "Littérales" : http://www.litterales.com/document_francais__ecrivain-Rimbaud.html

Sur "Études-littéraires.com" : http://www.etudes-litteraires.com/forum/sujets/auteurs/rimbaud.php 

Sur "Le Comptoir littéraire" : http://www.comptoirlitteraire.com/?page_id=19
Ceci m'a paru "fortement inspiré" de l'édition Suzanne Bernard dans Classiques Garnier.

  • Poésies :

Une séquence pédagogique consacrée au Recueil de Douai (jeu de questions sur les textes du recueil) : http://michel.balmont.free.fr/pedago/rimbaudouai/ 

Rimbaud, 20 poèmes expliqués : http://rimbaudexplique.free.fr/

Le site Média-Classe propose plusieurs explications de texte vidéographiées :
https://www.youtube.com/user/mediaclasse/search?query=Rimbaud

Le site "bac de français" propose plusieurs commentaires de poèmes de Rimbaud : "Au Cabaret-vert", "Ma bohème", "Le dormeur du val", "Le mal", "Les ponts", "Aube" ... http://www.bacdefrancais.net/ 

Cours d'un professeur de Montréal, André Durand, sur plusieurs poèmes de Rimbaud (jeux de questions, analyses ...) : http://comptoirlitteraire.com/detailsauteur.aspx?aid=624

Fiche d'activité pédagogique pour la classe d'allemand (lycée) : "Ophélie" de Rimbaud, la réception du mythe d'Ophélie en Allemagne : http://www.cndp.fr/secondaire/languespratique/allemand/rimbaud/lycee.htm 

Le Bal des pendus : http://crdp.ac-reims.fr/ressources/lib/produits/lire_elire.htm 

A la musique : http://home.inter.net/berlol/musique.htm

Les Effarés : www.bac-facile.fr

Le Mal : http://www.angelfire.com/ca/stephrimbaud/lemal2.html 

Vénus Anadyomène : http://rimbaudexplique.free.fr/poemes/venus2.html

Le Dormeur du val : http://www.mediaclasse.fr/formation/module?formation=20&module=23
Le Dormeur du val : http://membres.lycos.fr/fcollard/dormeur.html
Le Dormeur du val : 
www.bac-facile.fr

Ma Bohème : http://www.chez.com/bacfrancais/boheme.html 
Ma Bohème : http://knet.free.fr/cours/fr23.htm 
Ma Bohème : 
www.bac-facile.fr

Voyelles : http://membres.lycos.fr/antonzec/etudes-voyelles.html
Voyelles : http://slc.aron.free.fr/Voyelles_pistes
Voyelles : http://profaide.neuf.fr/poesie/Rimbaud_voyelles.htm#analyse

Le Bateau ivre : http://fr.scribd.com/doc/62472555/Rimbaud-Analyse-Le-Bateau-Ivre
Le Bateau ivre : http://www.balafrej.com/lamia/bateauivre
Le Bateau ivre : http://membres.lycos.fr/antonzec/etudes-bateauivre.html 
Le Bateau ivre : http://perso.club-internet.fr/christian.mathis/repo.html 
Le Bateau ivre : http://freecorp.free.fr/scolaire/Francais/Poesie%20txt5.zip
  

Les Poètes de sept ans :  http://www.lettres-et-arts.net/histoire_litteraire/36 

  • Une saison en enfer :

Présentation d'ensemble de l'œuvre :
http://letrouble.fr/joomla/litterature/xixeme-siecle/rimbaud-une-saison-en-enfer-fiche-de-lecture.html 

Prologue d'Une saison en enfer : http://fiches.skyblog.com/3.html
http://lewebpedagogique.com/bac-premiere/une-saison-en-enfer-de-rimbaud
-un-commentaire-redige-gratuit/
 

Matin : http://pedagogie2.ac-reunion.fr/lettres/TiceLettres/SeqPoemeProse/PoemeProse.htm http://www.ac-reunion.fr/pedagogie/lettres/TiceLettres/SeqPoemeProse/PoemeProse.htm#txt3

  • Illuminations :

Analyse d'ensemble des Illuminations, par Jacqueline Masson :
http://www.philagora.net/rimbaud/index.htm

Étude de poèmes des Illuminations par Valéry Renault (blog "Le Bac Français") :
Après le Déluge : https://youtu.be/-AnV-FaDs9w
Conte : https://youtu.be/fH4tMa9rlxE
Matinée d'ivresse : https://youtu.be/oIa__X4Nck8
Aube : https://youtu.be/RSDgBnEKolY
Vagabonds : https://youtu.be/WNdYW45RKe4

Étude de Enfance I par Gloria Lauzanne : https://youtu.be/ABvvjS6R71E

Étude de quatre textes des Illuminations (Les Ponts, Ville, Aube, Ouvriers), par Michèle Tillard : http://montesquieu-lycee72.ac-nantes.fr/pedagogie/lettres/rimbaud2.htm 
(Séquence pédagogique en classe de première).

Nocturne vulgaire : http://perso.club-internet.fr/bjay/planpo.htm#Nocturne%20vulgair 

Les Ponts : http://www.chez.com/bacfrancais/ponts.html

Génie : http://users.swing.be/AmandinePeeters/Genie_etude.htm

Enfance : http://membres.lycos.fr/antonzec/etudes-enfance.html

Aube : http://membres.lycos.fr/frcais/Riaube.htm 

Bottom : http://www.litterales.com/document__id-4-Bottom.html

Fleurs : http://www.litterales.com/document__id-5-Fleurs.html

Marine : http://www.yazata.com/index.php?do=Documents_view&id=566

Barbare : http://www.etudes-litteraires.com/rimbaud-illuminations.php

Matinée d'ivresse : http://www.etudes-litteraires.com/forum/sujet-1967-commentaire-matinee-ivresse-arthur-rimbaud 

  • Du texte à l'image 

En 2005, les élèves de deux classes de première d'un lycée de Brest ont "enluminé les Illuminations" (et autres textes de Rimbaud) : http://lycee-iroise.over-blog.com/

 

 

Cette expérience s'est poursuivie en 2007 avec des élèves de la Première L1 du Lycée de l'Iroise, qui ont conçu avec leur professeur de lettres Jean-Michel Le Baut un nouveau blog, défini comme un "espace de lecture et d'écriture, de création et d'échange, autour de la poésie moderne, de Rimbaud aux contemporains" : http://voix-iroise.over-blog.com/

Les mêmes ont organisé dans les rues de Brest le 14 mars 2008 une mémorable "manif poétique" (voir entre autres le film de cette manif : Crachez des pluies de roses) :
http://voix-iroise.over-blog.com/categorie-10287511.html

  • Correspondance :

Lettre du 17 novembre 1878, dite "lettre de Gênes" : 
http://www.ecrivosges.com/auteurs/rimbaud_1.php

Rimbaud traverse les Vosges et le Gothard à pied, avant un ultime éclat poétique :
une lecture de la Lettre de Gênes du 17 novembre 1878, par Raymond Perrin, enseignant et écrivain.
Le site propose également une biographie de Rimbaud.

  • Atelier d'écriture :

En 2004-2005, Dominique Dussidour mène un atelier d’écriture dans le cadre d’un stage d’insertion sociale et professionnelle qui s’adresse à des jeunes du bassin d’emploi de Charleville-Mézières, au pays de Rimbaud. Chronique et productions de l'atelier sur "Remue.net" : http://www.remue.net/rubrique.php3?id_rubrique=7 

  • Sémantique textuelle :

Thierry Mézaille, sur son site de sémantique textuelle, propose plusieurs incursions dans l'œuvre de Rimbaud : Étude sémantique de "Sensation", étude des relatives dans un corpus rimbaldien :
http://www.chez.com/mezaille/rimbal.htm
voir aussi : Texto, revue électronique de sémantique des textes
 : http://www.revue-texto.net/

Michel Ballabriga, « L’étoile a pleuré rose… » : étude de sémantique interprétative avec exploitation du corpus rimbaldien numérisé (Frantext) (2005)

  • "Poison perdu", une énigme à résoudre : 

Un site consacré à ce (probablement) faux-Rimbaud : http://monsite.wanadoo.fr/POISONPERDU/
et : 
http://web.archive.org/web/20020603033343/monsite.wanadoo.fr/POISONPERDUsuite/ 

15 août 2021

À une Raison (Les Illuminations)

Tout est dans l’indéfini. Rimbaud dirige son éloge vers « une Raison » pour la distinguer de toutes celles que la tradition philosophique a appelées « la Raison ». En premier lieu, la Raison de Descartes et de la philosophie classique, raison confondue avec la Vérité du christianisme. Celle qui émerveille, dans sa naïveté, le « nègre » de Mauvais sang : J'ai reçu au cœur le coup de la grâce. Ah ! je ne l'avais pas prévu ! [...] L'amour divin seul octroie les clefs de la science. [...] Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté. Adieu chimères, idéals, erreurs. Le chant raisonnable des anges s'élève du navire sauveur : c'est l'amour divin. [...] La raison est née. En second lieu, la raison des « Lumières », identifiée à la pensée libre, dégagée des superstitions, victorieuse du despotisme et inspiratrice de l'égalité. Celle que célèbrent les hymnes à la Raison de Quatre-vingt-treize et que persifle le locuteur de Mauvais sang : La race inférieure a tout couvert — le peuple, comme on dit, la raison ; la nation et la science. Oh ! la science ! Rimbaud n'a qu'ironie pour la première et, quant à la seconde, comme les acteurs des « révoltes logiques » de 1848 et de la Commune, il a pu en mesurer les limites. À ces conceptions traditionnelles, il a une alternative à proposer : une Raison autre, une autre logique. Le poème relève pour l'essentiel du genre de l'éloge. Il célèbre les pouvoirs exceptionnels d'« une Raison ». Rimbaud personnifie le concept, le dote d'une tête, d'un doigt, d'un pas. Il écrit le mot avec majuscule, haussant l'idée au rang d'allégorie. Du début à la fin, il s'adresse à elle en la tutoyant. Dans les trois premiers alinéas, il attribue à son moindre mouvement des conséquences gigantesques. La prosopopée des « enfants », au quatrième alinéa, a toute l'allure d'une supplication adressée à un dieu. Les thèmes sont si typiquement rimbaldiens que le poème pose, à vrai dire, peu de problèmes de lecture. Sauf sur une question, toujours pendante dans Les Illuminations : où s'arrête l'enthousiasme lyrique, où commence l'ironie ?

Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.  

 Le terme d'« harmonie » utilisé par Rimbaud pour nommer la Raison  alternative qui est la sienne, dans le contexte de cette première phrase (« tambour », « tous les sons »), pourrait apparaître comme une simple métaphore musicale visant à évoquer ce qu'il appelle dans sa lettre à Demeny du 15 mai 1871, « la vie harmonieuse » : « — Voici de la prose sur l'avenir de la poésie — / Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, Vie harmonieuse. » Il y a incontestablement chez Rimbaud, comme chez nombre de ses contemporains, un mythe grec, la nostalgie d'une société honorant la poésie, la danse et le chant, ignorant l'opposition entre l'action et le rêve : « En Grèce, écrit Rimbaud dans la même lettre, vers et lyres rythment l'Action. Après, musique et rimes sont jeux, délassements. » Les alinéas suivants, nous le verrons, puisent aussi dans la mythologie antique leurs principales images. Celle du premier alinéa évoque les Ménades qui conduisaient leur danse en battant du tambour lors des célébrations du culte bachique.
     Ce n'est pas un hasard, explique Roland Mortier, si Rimbaud, pour exprimer sa pensée, a recours « 
à des images musicales, en évitant ainsi d'en préciser le contenu. Rimbaud, ne l'oublions pas, ne s'est voulu ni fouriériste, ni saint-simonien, ni proudhonien ; il n'a pas voulu se poser en réformateur économique et social (quelque radicales qu'aient pu être ses positions en de telles matières). S'il se cantonne dans une métaphore qui renvoie à la fois à une idée d'ordre et à une idée de beauté, conciliant ainsi la perfection avec la mesure, c'est évidemment à dessein. » (p. 444).
     Sans doute. Mais ce terme d'« harmonie », pour aussi imprécis qu'il puisse paraître, éveille des connotations socio-politiques précises au XIXe siècle, que Suzanne Bernard, par exemple, n'hésite pas à exploiter pour gloser le poème :

Rimbaud a recours à des images musicales  pour exprimer l'idée de la nouvelle harmonie qui va régner dans le monde. Rappelons que Fourier a écrit L'Harmonie universelle en 1804 [...] la raison ici chantée [est] la raison qui donnera à l'humanité des lois nouvelles, et engendrera bonheur et progrès : des expressions comme la nouvelle harmoniela levée des nouveaux hommes et leur en marche rappellent, comme l'a montré A. Adam, les auteurs que lisait Rimbaud à Charleville : Fourier, Le Père enfantin, Quinet, Michelet, Louis Blanc, ces prophètes illuminés d'un nouvel ordre social [...]. Rimbaud exprime ici, comme dans Génie, sa foi dans un nouvel ordre de choses qui fera régner l'amour et l'harmonie.

Je ne suis pas sûr que Rimbaud ait lu tous ces gens-là à Charleville mais il est certain qu'en parlant d'« harmonie », il renseigne son lecteur sur le sens à entendre derrière son mot de « Raison » : l'idée d'une logique alternative à celle de la société actuelle (on sait que sur le manuscrit de Jeunesse II - Sonnet, le syntagme « raison » surcharge les trois premières lettres du mot « logique »). En gros, une utopie de style fouriériste. Parmi les ex-communards que Rimbaud fréquentait à Londres du temps où il écrivait ses Illuminations, Fourier était connu, même s'il était jugé dépassé. Rimbaud partageait sans doute, à l'égard de l'auteur de L'Harmonie universelle, le jugement que son ami Jules Andrieu exposait en 1867 dans Philosophie et morale (p. 98-99) :

Il ne s’agit plus d’imaginer, nous ne créons rien ; il s’agit de transformer, par la science du passé ou théorie, la brute primitive en homme moderne, et par la science du présent ou pratique, de transformer l’homme moderne, ce demi-barbare, en homme véritablement harmonique. Fourier a signalé le but, sinon les moyens.

La tâche de notre temps, dit en quelque sorte Andrieu, n'est pas de créer des phalanstères ni de construire des systèmes philosophiques abstraits mais de « transformer » le monde réellement existant, en s'en donnant « les moyens ».
   Mais les moyens manquent tragiquement. Au moment où Rimbaud écrit À une Raison, après l'écrasement de la Commune, des gens comme Andrieu (ou Blanqui, par exemple) ont cessé de croire que la science et le progrès feront régner l'amour et l'harmonie parmi les hommes. Restent les mots : amour, raison, harmonie, qui permettent à Rimbaud de faire signe vers un horizon, certes, toujours désirable, mais plus éloigné que jamais. Voilà, sans doute, la cause de ses indéfinitions,
    La « nouvelle harmonie » correspond donc malgré tout chez Rimbaud à un double projet politique et poétique. C'est à la fois le but à atteindre (cet horizon fuyant mais qu'il n'est pas question pour autant de quitter des yeux) et le moyen d'y parvenir : « [...] tu te mettras à ce travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s'émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s'offriront à tes expé
riences [...] » (Jeunesse IV). Ces « êtres parfaits » ne sont pas sans rappeler les « nouveaux hommes » dont À une raison évoque la « levée » dans le second alinéa.

Un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

« Cette levée des hommes, note Antoine Adam, est aussi annoncée dans Génie : “Son pas ! Les migrations plus énormes...” » (p. 988). Au chapitre des migrations, on pourrait ajouter cet alinéa de Solde : « À vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et comforts parfaits, et le bruit, le mouvement et l'avenir qu'ils font ! » Comme on peut le constater, la célébration de la Raison nouvelle, le programme de la « nouvelle harmonie », ne sont pas cantonnés, au sein des Illuminations, dans le seul poème que nous étudions.

     « Le parallèle est frappant, commente de son côté Roland Mortier, avec l'appel lancé dans Matin (Une saison en enfer) : “Quand irons-nous, par-delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer — les premiers ! — Noël sur la terre ! Le chant des cieux, la marche des peuples !” L'idée est la même, pour l'essentiel, mais la forme poétique lui donne plus de densité, et donc plus de force » (1983, p. 443-444).
     Ici encore, Pierre Brunel décèle de possibles réminiscences mythologiques : « Un pas de toi : c'est le signal donné par Mars Gradivus, le dieu de la guerre qui avance le pied droit en avant (p.214). Levée : action d'enrôler des soldats (p.214) [...] la levée des spartoï (p.223). » Après avoir tué le dragon, Cadmos, le fondateur de Thèbes, en arracha les dents et, conformément aux recommandations d'Arès, dieu de la guerre, les éparpilla sur le sol autour de lui. Des hommes, venus au monde tout armés, naquirent de l'union de ces dents avec la terre. On les appela Spartoï : « les hommes semés ». La référence est loin d'être évidente mais, dans le contexte du poème (au vu des allusions mythologiques incontestables, elles, des alinéas 1 et 3, elle est recevable à titre d'hypothèse. Mais le thème des nouveaux hommes ou de l'homme nouveau est surtout un cliché de la rhétorique révolutionnaire.
     Michel Murat a signalé la présence, ici, d'un mode de disposition du poème fréquent dans Les Illuminations : le « le schéma binaire à membres parallèles » (2013, p. 251-252) :

À partir d'une variation thématique (“un coup de ton doigt [...] un pas de toi [...] ta tête se retourne”), le poème fait évoluer les modalités de la structure binaire, la densité des parallélismes, et les figures du rythme.

Le parallélisme syntaxique met en relief l'analogie sémantique : le contraste entre l'infime mouvement initial et l'immense bouleversement qu'il déclenche, indice de la toute puissance du dieu. Cette toute-puissance est naturellement aussi, par métaphore, celle de la parole poétique. Quand il dit « tu », Rimbaud ne s'adresse-t-il pas aussi à lui-même, comme quand il écrit dans Jeunesse IV : « Tu en es encore à la tentation d'Antoine [...]. Mais tu te mettras à ce travail ...» ? C'est ainsi que l'entend à juste titre Roland Mortier :

Le poète y devient le musicien-mage dont le geste aussi impérieux que discret déclenche un irrésistible mouvement (ici, l'harmonie musicale, qui suscite à son tour la marche en avant vers une vie meilleure). L'accession à cette autre vie est présentée comme une marche populaire ou comme un défilé militaire, soutenu par les chants et les prières de ceux qu'il appelle ici “ces enfants”, et dans Matin “esclaves”, dénominations qui renvoient dans les deux cas à un état antérieur à la transformation du monde.

Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, — le nouvel amour !

 Dans Une saison en enfer, la « Vierge folle » dit de son « Époux infernal » :

Je n'aime pas les femmes. L'amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, cœur et beauté sont mis de côté : il ne reste que froid dédain, l'aliment du mariage, aujourd'hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont, moi, j'aurais pu faire de bonnes camarades, dévorées tout d'abord par des brutes sensibles comme des bûchers...

     Dans Génie, Rimbaud définit la divinité allégorique qui donne son titre au poème dans des termes très proches de ceux de À une raison : « Il est l'amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et imprévue, et l'éternité. » La critique de ce qu'il appelle, ici, « les couples menteurs » (Adieu), là, « le bonheur établi » (Mauvais sang), autrement dit : du mariage et de la famille comme institutions de la société bourgeoise, est un des thèmes les plus constants de l'œuvre de Rimbaud. Logiquement, l'un des pouvoirs spéciaux qu'il accorde à ses deux allégories divines de la « force » est celui de réinventer l'amour. Mieux encore : d'incarner « le nouvel amour ».
     « Rimbaud, note Suzanne Bernard, personnifie, ou plutôt divinise, la Raison qui fera naître ce nouvel amour : comme l'a signalé Rolland de Renéville, il y a ici un souvenir classique : en latin, numen, la divinité, dérive de nuo, “faire un signe de la tête”. » Quant au Gaffiot en ligne, il indique : « nūmĕn, ĭnis, n. (nuo), mouvement de la tête manifestant la volonté. » L'idée est magnifique (j'entends, en premier lieu, celle de Rimbaud, bien entendu). Parce que ce double geste de consentement et de refus évoque tout à la fois la relation du suppliant face à la toute puissance divine qu'il invoque et le jeu des regards dans la rencontre amoureuse. On a aussi quelque chose de cet ordre, d'ailleurs, dans la rencontre du Prince de Conte avec son Génie. Le rigoureux parallélisme syntaxique entre les deux phrases renforce l'idée d'une équivalence entre les deux mouvements contraires, l'un et l'autre caractéristiques des jeux de la séduction. Comme l'indique Michel Murat, on retrouve ici le même « principe binaire » que dans les deux précédents alinéas, mais redoublé. Il écrit : « Le principe binaire régit dans le passage central à la fois le schéma interne et le couplage externe. » (mais si, par couplage « externe », il entend le parallélisme entre alinéas successifs, il fait une erreur : contrairement à sa transcription du poème (p. 252), les deux phrases concernées ne constituent, dans le manuscrit, qu'un seule alinéa). 

« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants. « Élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux » on t'en prie.

      Le texte de cet alinéa n'est pas toujours limpide dans son détail. Comment comprendre : « Élève n'importe où ... » ? Pierre Brunel propose astucieusement : « n'importe où (hors du monde) » (1999, p. 467). Il y aurait donc là une allusion au baudelairien : « Anywhere out of the World » : « Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : “N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !” ». À travers l'impératif « Élève », les enfants ne se contenteraient pas d'exiger d'« une Raison » qu'elle change (en mieux) « la substance de [leurs] fortunes et de [leurs] vœux », ils lui demanderaient de faire s'élever leur âme. La première phrase est plus immédiatement compréhensible : « nos lots » sont « nos destins », la part de bonheur et de malheur allouée à chacun par la Providence. Rimbaud s'amuse ensuite en jouant sur le double sens des mots « crible » et « fléaux ». Les deux termes appartiennent au vocabulaire du travail agricole : on bat le blé au fléau pour séparer le grain de la paille, puis on crible les grains battus pour en supprimer les dernières impuretés. Un mot appelle l'autre. Mais c'est évidemment dans un sens moins technique que chacun des deux termes doit être pris ici : « ces enfants » demandent à « une Raison » de « cribler », c'est-à-dire de percer de balles ou de flèches, ces ennemis des pauvres humains que sont les « fléaux », c'est-à-dire les calamités, et, plus que tout, le Temps.

     Ce quatrième alinéa — c'est sa principale difficulté — introduit par ailleurs une variation dans le système d'énonciation et la tonalité du texte. Le locuteur ne prononce plus un éloge direct mais se fait l'intercesseur, auprès du dieu, de la prière que lui adressent certains « enfants ». Il est généralement admis que « on » reprend « ces enfants ». Mais :
    1) « on » est-il un véritable indéfini de troisième personne ou une sorte de « nous » pouvant englober le locuteur ?
      2)  Qui sont « ces enfants » ?
      André Guyaux écrit (1985, p.161) :

[...] la proposition qui attribue la citation, on t'en prie, bien que placée après les guillemets, s'y inclurait facilement : on désigne à la fois nous et ils. C'est dire que, hors guillemets, le sujet est partie prenante des paroles citées.

Le locuteur, dans cette hypothèse, assumerait à titre personnel la prière des enfants. C'est ce que pense aussi Bruno Claisse, qui fait référence à l'expression « l'enfance étrange » de Guerre. L'enfant, au singulier, est en effet souvent, chez Rimbaud, un répondant du poète (cf. Après le DélugeAube ou la série Enfance).
    Mais ici, il semble que nous soyons plutôt dans la mouvance de Matinée d'ivresse (dont le texte suit immédiatement celui de À une raison sur le même feuillet 10). Dans Matinée d'ivresse, « les enfants », au pluriel, désignent les compagnons du poète, participants d'une séance de haschich. Rimbaud les peint en proie à une hilarité frénétique et même, peut-être, se moquant de lui (lecture fortement suggérée par l'emploi de la préposition « sous ») : « Cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux ». Le poète fait partie de leur groupe mais son point de vue ne se confond pas avec le leur, et la dénomination « enfants » n'est pas sans comporter, dans ce contexte, un aspect légèrement péjoratif.
     Certains critiques, plus ou moins explicitement, perçoivent aussi une distance dans la façon dont le poète se situe par rapport à « ces enfants » dans À une raison. Pierre Brunel glose l'expression en faisant référence aux « enfants de chœur » (à cause du verbe « chantent »), tels que Rimbaud les évoque de façon satirique dans Les Pauvres à l'église (p. 215 et 222). J'adhère d'autant plus à la suggestion que le contenu de leur prière est nettement imprégné de foi religieuse : ils veulent, et croient donc pouvoir, être soustraits à leur condition tragique d'hommes soumis au Temps. Albertine Kingma-Eijgendael va plus loin. Elle détecte dans la formule « ces enfants » une « désignation démonstrative et condescendante » et conclut : « c'est cette distance entre le locuteur des paragraphes 1-2-3-5 et les locuteurs du quatrième paragraphe (“ces enfants”) qui nous incite à parler d'ironie [...] » (p. 50).
     Je partage cette intuition. Mais, s'il y a ironie, quelle en est la cible ? Ici, je ne suis plus du tout l'auteur(e) précédemment citée. Se recommandant d'Étiemble qui perçoit aussi de l'ironie dans le poème, elle livre le commentaire suivant :

[...] dans les paragraphes 1-2-3-5, c'est un locuteur non spécifié qui s'exprime, tandis que, dans le quatrième paragraphe, ce sont les enfants de la Révolution qui apostrophent directement une Raison (prière sous forme d'impératif, marquée par des guillemets). La désignation démonstrative et condescendante “ces enfants” reprend ce qui précède : “les nouveaux hommes”, “la nouvelle harmonie” ; “on” dans le même paragraphe représente à son tour “ces enfants”. C'est justement cette distance entre le locuteur des paragraphes 1-2-3-5 et les locuteurs du quatrième paragraphe (“ces enfants”) qui nous incite à parler d'ironie [...] (p. 50)

Sur cette base, la commentatrice voit l'ironie partout dans le texte, contrairement à la plupart des exégètes qui ne la mentionnent pratiquement jamais.
     Deux aspects de cette glose sont selon moi gravement erronés.
     Je l'ai expliqué ci-dessus : la Raison dont il est question dans le poème n'est pas celle qui a fait l'objet d'un culte et inspiré des hymnes (notamment à Rouget de Lisle, l'auteur de La Marseillaise) à l'époque de la Grande Révolution. Cette sorte de Raison, que Rimbaud, effectivement, brocarde à l'occasion (la conception naïve et bourgeoise du Progrès continu, le scientisme, la fausse modernité) n'est ici ni objet de célébration, ni motif d'ironie. Les enfants du texte peuvent difficilement être appelés « enfants de la Révolution ».
     Par ailleurs, le syntagme « ces enfants » ne reprend pas « ce qui précède : “les nouveaux hommes”, “la nouvelle harmonie” ». Dans l'esprit du texte, qui est essentiellement utopique, les « nouveaux hommes » sont encore à naître, ainsi que la « nouvelle harmonie ». Il est donc plus vraisemblable de voir dans « ces enfants », ces contemporains bien connus du poète (d'où le démonstratif) qui rêvent comme lui à un autre destin, mais qui, peut-être, ne l'entendent pas exactement comme lui (d'où les guillemets).
     Car s'il y a ironie, de la part de Rimbaud, elle ne peut porter selon moi que sur le contenu de la prière des enfants, assez nettement teinté de spiritualisme, voire de religiosité chrétienne. La référence baudelairienne suggérée par Brunel pour « élève n'importe où » (« n'importe où (hors du monde) ») renforce cette hypothèse. Les enfants ne demandent rien d'autre, au fond, que le salut, au sens théologique de ce terme et l'on sait les sarcasmes réservés par Rimbaud aux « voyages métaphysiques » (cf. notamment Alchimie du verbe et Dévotion).
      Mais je constate que cette analyse est totalement absente du corpus critique. L'un des meilleurs commentateurs, Pierre Brunel, explique ce passage d'une manière qui prête à confusion :

La prière des enfants est faite de tous les manques qu'ils ont pu constater dans la condition humaine telle qu'elle leur était promise. Il ne s'agit même pas seulement de combler leurs vœux, mais de changer la “substance” de leur “fortune” et de leurs “vœux”, donc de procéder à un changement radical de leur condition d'hommes futurs et de leur être désirant. La prière n'a alors d'autre raison que ce besoin d'autre chose, que cette quête éperdue de l'altérité (p.223).

Brunel identifie indûment le point de vue du locuteur et celui qui ressort des propos des « enfants ». Il amalgame ce que Rimbaud disjoint, par le moyen des guillemets. Il résume excellemment l'idée directrice de l'allégorie : un « besoin d'autre chose », une « quête éperdue de l'altérité ». Mais les « enfants » ne demandent pas « un changement radical de leur condition d'hommes futurs et de leur être désirant », ils exigent bien plus. Ils demandent à la nouvelle Raison ce qu'elle ne peut pas leur offrir : le pouvoir d'échapper à leur condition mortelle. Comme le locuteur d'Une saison en enfer dans ses « divagations spirituelles » (L'impossible), ce qu'ils demandent, en fait, c'est le Paradis : « Ah ! vite, vite un peu ; là-bas, par-delà la nuit, ces récompenses futures, éternelles... les échappons-nous ?... »

 

Arrivée de toujours, qui t'en iras partout.

  La présence de la deuxième personne du singulier (« t' ») montre que cette dernière phrase du texte est encore une apostrophe à la Raison nouvelle. En vertu de quoi le mot « arrivée » doit être analysé comme un participe passé accordé au féminin avec le mot du titre (ce n'est pas un substantif, contrairement à ce qu'on lit parfois). C'est la « Raison » qui, à la ressemblance du « Génie » de Génie, est à la fois « le présent », « et l'avenir ». et le passé « puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été ». De son « Génie », Rimbaud nous dit qu'il faut « suivre ses vues [...] de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de regards en regards, etc. ». De sa « Raison », il prophétise qu'elle s'en ira « partout ». Comme le Dieu de la Bible, elle possède les dons d'éternité (« arrivée de toujours ») et d'ubiquité. Traduite en langage laïque, la formule suggère le caractère universel et intemporel des aspirations humaines à une vie plus « harmonieuse ».  

      Le poème emprunte sa langue, à parts égales, à l'utopie politique et à l'éloquence sacrée. Rimbaud joue jusqu'au bout la carte de cette ambiguïté. Il revendique ouvertement les relents de religiosité émanant du mode de pensée utopique (l'eschatologie fouriériste, le messianisme saint-simonien). Il est conscient du piège (dans Une saison en enfer, il englobe à plusieurs reprises l'artiste et le prêtre dans la liste des « arriérés de toutes sortes »). Mais, dans « cette nuit d'hiver » où l'ont plongé l'écrasement de la Commune et les marasmes de sa vie affective (cf. Mémoire et la Saison), quel meilleur modèle rhétorique que le pathos de la déréliction. À condition, toutefois, de laisser transparaître quelque distance et il me semble que c'est la fonction du décrochage énonciatif ménagé par le quatrième alinéa. Indéracinable est l'aspiration humaine à une vie plus harmonieuse. Mais le propre des « enfants » est de faire confiance pour y accéder aux promesses de la religion. Rimbaud, lui, table davantage sur le triomphe de ce qu'il appelle « une Guerre » : « Je songe à une Guerre de droit ou de force, de logique bien imprévue ». Il y « songe », c'est-à-dire qu'il l'imagine et, à la fois, la prévoit. Il n'oppose pas sur ce point ce qui relève de l'imagination et ce qui relève de la logique ou de la Raison. C'est pourquoi nous pouvons adhérer à cette belle conclusion de Pierre Brunel :     

Lichtenberg a laissé l'aphorisme suivant lequel “un homme qui a trop de raison n'est presque bon à rien dans ce monde”. Et, pour lui, l'usage de la raison ne réside pas dans l'application figée et rigide d'une faculté, mais dans le libre exercice d'un organe qui est le propre de l'homme et dont l'origine est la subjectivité d'un individu autonome, libre et vivant. Cette liberté de la subjectivité, pour le poète, n'est plus celle de l'imagination ni celle de la raison. Elle n'est pas davantage celle de la déraison. Elle est celle d'un indéfini de Raison et de Génie et, si elle a quelque chose à revendiquer, c'est le droit même à cet indéfini (p. 224).

 

14 août 2021

« L’hypothèse la plus vraisemblable … »

Sur la pagination de la partie du manuscrit des Illuminations
hébergée à la BnF sous la cote Nafr 14123.

 

Dans son entrée « Illuminations » (« Manuscrits ») du Dictionnaire Rimbaud, comme je l'ai fait remarquer dans mon compte rendu [1], Michel Murat ne discute pas l'argument n°1 en faveur d'une pagination auctoriale des Illuminations [2], celui qui, personnellement, entraîne mon adhésion à cette thèse : l'argument fondé sur le processus de constitution de la série Veillées. La question du feuillet 18 ! J'y reviens ici, plus longuement.

 

[1] Dictionnaire Rimbaud - Deux synthèses capitales sur Les Illuminations - I / « Manuscrits » par Michel Murat

[2] la partie paginée des Illuminations, qui ne représente en volume que les deux premiers tiers du recueil, tel que nous le lisons dans les éditions actuelles.

 

Qui a paginé les 24 premiers folios des Illuminations ? Dans sa notice, Michel Murat écrit : Nous entrons ici dans les conjectures : peut-être [les premiers éditeurs] ont-ils simplement paginé (ou fait paginer, l’imprimeur repassant à l’encre) les feuillets dans l’ordre où ils les ont trouvés. C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. En dépit des prudences d’expression (« conjectures », « hypothèse », « peut-être »), de rigueur en pareil cas, l'auteur adopte une position tranchée, dans un débat dont il veut par ailleurs minimiser l'importance : La question du classement est plus importante que celle de la numérotation, qui n’est que la matérialisation d’un ordre. Sans doute ! Sans doute ! J’irais même jusqu’à dire que nous n’avons pas besoin d’une pagination autographe prouvée pour observer dans l’enchaînement des textes tels qu’ils nous sont parvenus ce que Murat appelle « un travail d’organisation dû à Rimbaud ». Mais on conviendra qu'une attribution à Rimbaud de la pagination du manuscrit, scientifiquement fondée, validerait opportunément une approche critique des Illuminations comme recueil, et recueil composé. La question de la numérotation n'est donc pas secondaire. Et pour autant qu’on la juge difficilement soluble, elle reste posée. C'est pourquoi Michel Murat a raison, dans son article, de faire brièvement le point sur la graphie des chiffres.

Trois mains ?

Il offre sur cette question de fines observations et avance des hypothèses que je me reproche de n'avoir pas signalées et discutées dans mon précédent compte rendu : Il y a peut-être deux mains différentes, comme le montrent les formes du 1 (f° 1 formant un angle que prolonge le trait vertical, f° 10 et suivants marqués d’un simple trait vertical) et du 7 (f°7 avec barre transversale à l’encre, sur un chiffre au crayon non barré; f° 17 non barré) ; peut-être même trois, car le 8 du f° 8 et celui du f° 18 ne sont pas tracés du même geste. Murat observe que plusieurs des chiffres repassés à l’encre des ff. 1 à 9 sont d’une graphie distincte de celle des chiffres au crayon correspondants. Il mentionne le « 1 » et le « 7 ». Il aurait pu ajouter à la liste le « 2 » et le « 4 ». Le joli « 2 » à l'encre du f°2, au dessin bien articulé, n'a rien à voir avec les « 2 » au tracé mou et relâché que l'on peut observer sur les ff. 20 à 24. Le « 4 » repassé à l’encre est d’un seul geste tandis que les « 4 » au crayon des ff. 14 et 24 sont dessinés en deux temps (d’abord la partie angulaire, puis la barre verticale). J’en conclus, comme Michel Murat, sans doute, que la personne qui a repassé à l’encre les pages 1 à 9 n’est pas celle qui a paginé au crayon l’ensemble de Nafr 14123. Quand à la « troisième main », regardons-y tout de même de plus près. Il est de fait que « le 8 du f° 8 et celui du f° 18 ne sont pas tracés du même geste ». Cela tend à prouver, en effet, que la personne ayant surchargé à l'encre les numéros 1 à 9 n'est pas celle qui a tracé directement à l'encre le « 18 » du f° 18. Ni d'ailleurs, par voie de conséquence, le « 12 » du f° 12, car les ff. 18 et 12 sont des feuillets jumeaux, dont les numéros de page ont été visiblement inscrits par la même personne. Or, donc, en suivant l'hypothèse de Michel Murat, il faudrait imputer les paginations directes à l'encre des ff. 12 et 18 à une tierce personne. Mais pourquoi ne pas les attribuer, tout simplement, à qui a paginé au crayon l'ensemble du manuscrit ?

En effet, observons un à un les chiffres concernés :

le « 1 » de « 12 » et de « 18 ». Comme Michel Murat l'a fort justement noté, les « 1 » au crayon des f° 10 et suivants, très différents du « 1 » à l'encre du f°1, sont marqués d’un simple trait vertical : c'est aussi le cas des « 1 » du f° 12 et du f° 18.

le « 2 » de « 12 ». Le « 2 » tracé directement à l'encre du nombre « 12 », très différent du 2 à l'encre du f° 2 comme nous l'avons vu plus haut, se montre par contre tout à fait identique à ceux des ff. 20 à 24 (qui ressemblent eux-mêmes comme des frères, par leur tracé mou, peu articulé, à la majorité des 2 rimbaldiens [3] ).

[3] Cf. Les "chiffres non rimbaldiens", le folio 18 et la pagination des Illuminations.

le « 8 » de « 18 ». Il n'y a pas d'autre « 8 » à quoi on puisse le comparer parmi les 24 feuillets numérotés des Illuminations que celui du folio 8, qui est repassé à l'encre, mais qui laisse entrevoir le chiffre au crayon ayant précédé. J'en donne ci-dessous une image agrandie :

le_8_du_folio_8_cor

 

Le chiffre surchargé ne se voit pas très bien, mais il semble que la boucle supérieure de ce 8 ne soit pas d'un seul tenant. On se demande s'il n'y a pas eu là dans un premier temps un 8 à boucle supérieure ouverte comparable au 8 du n°18 (dont j'ai pu montrer jadis, dans la page de ce site mentionnée en note [3], qu'on le rencontre couramment sous la plume de Rimbaud) :

 

18

 

Il y a donc une alternative possible, toute simple, à l'hypothèse d'une troisième main, c'est que les numéros de page, tracés directement à l'encre, des ff. 18 et 12 soient de la main de la personne qui a paginé au crayon l'ensemble du manuscrit. Ajoutons à cela que Rimbaud pratique généralement dans ses écrits le « 7 » non barré. Or, comme Michel Murat le signale, le « 7 » avec barre transversale à l’encre du f° 7 surcharge un 7 au crayon non barré, semblable en cela au 7 du f° 17 ... et à la quasi totalité des 7 observables dans les écrits de Rimbaud.

 

Conclusions :

1) Deux « mains » seulement sont intervenues dans la numérotation des 24 folios paginés de Nafr 14123. « L'hypothèse la plus vraisemblable », c'est que le f° 18 et le f° 12 ont été numérotés directement à l'encre par la personne même qui a numéroté au crayon l'ensemble des 22 autres pages.

2) Rien n'interdit de penser, a priori, que cette personne ait pu être Rimbaud, contrairement à ce qui a été parfois écrit. Naturellement, le fait que les chiffres tracés au crayon et ceux tracés à l'encre des ff. 12 et 18 soient rimbaldo-compatibles ne suffit pas à prouver qu'ils aient été tracés de la main de Rimbaud. Mais, s'agissant ici de « conjectures », plus ou moins « vraisemblables » ... en voici une, qui n'est pas à négliger.

3) Quant au repassage à l'encre des numéros 1 à 9, comme Jacques Bienvenu et David Ducoffre l'ont expliqué, il a été très probablement exécuté en 1886 par le préparateur du n°5 de La Vogue [4]. Mais il est temps d'élargir la problématique et d'en venir à la question de fond.

13 août 2021

Qui a agencé la pré-originale des Illuminations ?

Qui a classé le texte des Illuminations dans l'ordre que nous connaissons (celui des numéros 5 et 6 de La Vogue pour les deux premiers tiers de l'œuvre) ? Au moment d'aborder cet éternel problème, Michel Murat commence par dire que « nous n'en savons rien » :

A-t-il lui-même [Rimbaud] intercalé le feuillet de « Veillées I-II » avant « Veillée] III », glissé le feuillet 12 à la suite de « Phrases », qui lui ressemble, mis à leur place « Marine » et « Fête d’hiver » ? A-t-il lui-même placé « Après le Déluge » en tête de l’ensemble – geste hautement significatif, parce que le poème encrypte vraisemblablement des allusions à la Commune ? Nous n’en savons rien [...]

Mais, quelques lignes plus loin, il écrit :

[...] dans la revue les éditeurs ont vraisemblablement respecté une certaine forme qui procédait de la suite matérielle des feuillets. Nous entrons ici dans les conjectures : peut-être ont-ils simplement paginé (ou fait paginer, l’imprimeur repassant à l’encre) les feuillets dans l’ordre où ils les ont trouvés. C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Peut-être ont-t-ils intercalé des feuillets isolés, mis à la suite de « Phrases » les cinq textes apparentés. Peut-être ont-t-ils décidé de placer en tête « Après le Déluge » : Fénéon le fera dans la plaquette, parce que c’était le meilleur choix à ses yeux, celui des « révolutions cosmiques » inaugurales. Cependant le recueil aurait pu commencer avec « Enfance » (début de la copie continue) sans que sa cohérence en soit affectée.

Donc, nous n'en savons rien ... mais il y a quand même une hypothèse plus vraisemblable que les autres, c'est que la pagination des Illuminations, reflet fidèle de leur  agencement originel, est due à leur premier éditeur. J'opposerai à cette intuition, que je ne partage pas, deux arguments.

 1) Si, comme le dit Michel Murat, les éditeurs du périodique La Vogue avaient d'abord « respecté une certaine forme », c'est-à-dire s'ils s'étaient donné pour règle de publier en priorité les manuscrits calligraphiés issus de la copie continue du printemps 74 ou de janvier 75, ils auraient placé en tête Enfance I-II-III-IV-V (« début de la copie continue ») et n'auraient inclus dans leurs deux premières livraisons aucun des manuscrits isolés ou atypiques mentionnés ci-dessus : Après le Déluge, Phrases (f°12), Veillées I-II, Marine & Fête d'Hiver. Pourquoi, par exemple, auraient-ils placé le seul feuillet recto-verso de toutes les Illuminations celui qui contient Nocturne vulgaire, Marine et Fête d'Hiver, là où il se trouve ? Un vieux parchemin abîmé, aux dimensions atypiques [5], au texte mal calligraphié et plusieurs fois raturé (voir le flou de la mise en page de Nocturne vulgaire, par exemple) ! Vous imaginez, vous, les préparateurs pressés de La Vogue [6], d'Orfer ou Kahn [7], se demandant s'il ne serait pas bon, sur la base d'un critère sans doute thématique (ou générique) d'opérer un rapprochement entre des textes à l'allure de tableaux animés et/ou de récits de rêve, en insérant à la suite de Veillées, Mystique, Aube et Fleurs, au beau milieu des manuscrits calligraphiés sur le papier à lettres extra de Madame Rimbaud, ce médiocre feuillet 21-22 ?

     Cela fait quand même beaucoup d'exceptions à la règle. « L’hypothèse la plus vraisemblable », par conséquent, c'est qu'ils ont « respecté », en priorité, non pas « une certaine forme » mais le manuscrit en tant que tel, dont ils ont publié « les feuillets dans l’ordre où ils les ont trouvés ». Or, cet ordre, qui en avait décidé ? Le hasard ? Ce n'est pas l'impression qu'on a quand on s'est un peu penché sur l'enchaînement des textes dans Les Illuminations. Michel Murat le sait fort bien, s'y étant consacré plus et mieux que quiconque, dans son Art de Rimbaud [8], comme dans sa notice du Dictionnaire [9].

      2) Et c'est là que prend tout son sens la question du folio 18 : le bien embarrassant folio 18 pour les adeptes de la thèse défendue par Michel Murat. J'en rappelle brièvement les données. La différence de présentation graphique entre la numérotation de l'ensemble [10], et celle des ff. 12 et 18 montre sans discussion possible que l'insertion de ces deux feuillets, opérée dans le but de constituer les séries Veillées I-II-III et Phrases, a été postérieure à l'apposition des chiffres au crayon. Or, est-il vraisemblable que les gens de La Vogue aient eux-mêmes constitué les séries Phrases et Veillées ? Si l'on répond affirmativement, on sera amené à supposer qu'en 1886, chez l'éditeur ou même chez l'imprimeur, la numérotation au crayon ayant été apposée sur le manuscrit, son auteur, ou un troisième larron, s'est avisé tardivement d'y créer deux nouvelles « séries » organisées. Si l'on pense, au contraire, que seul Rimbaud peut avoir pris l'initiative de rayer le titre au singulier du f° 19 pour le remplacer par un III, afin de pouvoir insérer, sous un titre pluriel, deux « veillées » supplémentaires numérotées I et II, alors on ne peut plus douter que la numérotation au crayon dans son ensemble soit de la main de l'auteur.

 [10] On ne parle pas ici , naturellement, que de l'ensemble de manuscrits hébergé par la BnF sous la cote Nafr 14123.

     Dans le cas de Phrases, cela pourrait se discuter, tant le regroupement des ff. 11 et 12, compréhensible sur le plan de la forme, a quelque chose d'artificiel au plan thématique. Mais dans le cas de Veillées ? Quel motif auraient pu avoir les gens de La Vogue pour procéder à une si conséquente révision du manuscrit ? Ils auraient pu, par exemple, rencontrer Veillées I et II dépourvus de titres. Mais Rimbaud a donné des titres à tous ses textes ou les a inclus dans des séries numérotées. Ils auraient pu, comme pour Villes, trouver des poèmes bizarrement munis d'un même titre et décider de les rassembler. Mais nous savons pourquoi cette anomalie s'est produite dans le cas de Villes, et pourquoi il était quasiment impossible à Rimbaud de placer les deux poèmes l'un à la suite de l'autre, comme il l'avait initialement prévu [11]. Rien de tel, dans le cas des trois sections de Veillées.

 [11] Cf. Guyaux, Poétique du fragment, p. 95-100. « L’acropole officielle ... » était destiné à figurer juste devant « Ce sont des villes... » comme le suggèrent le chiffre II visible en arrière-plan du « V » de Villes, dans le folio 15 et le « I » raturé sous le titre Villes dans le f°16. Mais, en se fondant sur ces chiffres, bien lisibles sur les manuscrits, on peut supposer que Germain Nouveau, chargé par Rimbaud de calligraphier « L’acropole officielle ... » (on y reconnaît son écriture), a commis l'erreur de le recopier à la suite de Vagabonds qui, lui-même, succède aux dernières lignes de « Ce sont des villes » sur le feuillet 16. Sauf à devoir reprendre plusieurs pages déjà confectionnées, il fallait se résigner à cette inversion, ce à quoi Rimbaud s'est résigné en surchargeant le chiffre II d’un second titre Villes.

     Inversement, de la part de Rimbaud, le motif de cette adjonction se devine sans peine. Le poète semble avoir souhaité, dans cette partie de son manuscrit, rassembler des textes à tendance onirique et/ou féerique (cf. pour le côté nocturne, en sus des VeilléesAube et Nocturne vulgaire). Vagabonds, qui, dans l'esprit de Rimbaud, aurait dû conclure le cycle des Villes (cf., à nouveau, note [10]) et introduire au cycle suivant, est déjà une « veillée » :  « Pitoyable frère ! Que d'atroces veillées je lui dus ! » L'idée a pu venir tardivement à Rimbaud, pour mettre en relief cette insistance thématique, d'ajouter deux nouveaux poèmes à insérer sous le titre « Veillées ».
    

  L'hypothèse, de loin, la plus vraisemblable, c'est que Rimbaud est lui-même l'auteur de cette modification, avec la conclusion qu'un tel fait nous impose, en ce qui concerne le processus de pagination.
    

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12 août 2021

"Voyelles"

Le "suprême clairon", contradiction entre Idéal et Jugement dernier ?

L'allusion sensible du sonnet "Voyelles"  au Jugement dernier n'est pas incompatible avec l'idée d'accéder à l'Idéal, point évident dès le départ du débat, la discussion consistant à argumenter ce fait et à mieux éclairer la stratégie rhétorique de Rimbaud.
***
 Il y a trois points importants qui permettent de cerner quelque peu la dynamique romantique d'un poète.
Il y a un point qui concerne l'évolution des formes. Les romantiques, soit allemands, soit français, se sont dressés contre l'idée du classicisme en Littérature. Les modalités sont très différentes entre les deux cultures, et quelque part les romantiques français ont plus créé une forme nouvelle qui avait de fortes caractéristiques formelles ostentatoires, alors que le romantisme allemand est parti sur une remise en cause plus radicale, mais à mon avis pas toujours heureuse non plus. Mais je n'en débattrai pas ici. Ce qu'on peut retenir de simple, et qui concernera de toute façon le romantisme français, même s'il est de fait moins radical que le romantisme allemand, c'est que la construction formelle de l'œuvre romantique remet en cause les règles antérieures d'un classicisme en les interrogeant et aussi en polémiquant avec elles. De ce point de vue-là, les créations poétiques de Rimbaud sont l'aboutissement du romantisme au plan formel. Rimbaud est celui qui a "déglingué" la "mécanique du vers", et après lui le travail ne fut plus à faire. Il a aussi inventé deux régimes de prose, celui narratif du livre Une saison en enfer de l'ordre d'une prose poétique unique au monde, et celui d'une poésie en prose, aux variations formelles importantes, mais aux ressources mélodiques telles que, sans être du vers, ça peut difficilement être reconnu comme de la prose. Et s'il existe au XXe des entreprises formelles sur le vers, le vers libre et la prose, cela ne sera pas dans cette forme d'aboutissement d'un report des réussites de la poésie versifiée classique dans des formes en vers ou en prose polémiques et d'une efficacité inégalée en même temps.
Les deux autres points qui définissent le mouvement romantique sont liés. Le romantisme se caractérise par le renouvellement du Je lyrique. Marot, Ronsard ou Agrippa d'Aubigné peuvent parfois toucher à une dimension cosmique, parler d'eux-mêmes, mais ils vont parler de religion en tant que catholiques ou en tant que protestants, comme ils vont parler d'eux-mêmes avec des signes ostentatoires qu'ils partagent les cadres de pensée de l'humanité commune. Le romantisme accentue l'individualité et la prise de parole sur le plan spirituel devient radicalement personnel. Dans le domaine de la poésie française, les premiers poètes se prétendent les défenseurs du trône et de l'église. Mais Hugo va évoluer, tandis que Vigny et Lamartine ne seront pas orthodoxes en fait de manifestations de la foi. Le discours de Lamartine ne serait sans doute pas encensé par l'église. Mais, il faut encore insister sur la personnalisation du discours lamartinien et sur sa construction de face à face cosmique du poète face à un univers, temple qu'on interroge et où on essaie de cerner la présence divine. L'expression du Je lyrique des romantiques va toutefois s'accompagner d'une sorte d'expansion des sentiments, d'une sorte de facilité à parler longuement de tout sujet qui fera l'objet d'une autocritique au sein du romantisme et au sein de la seconde génération romantique qui est la génération parnassienne. Baudelaire essaiera de refonder un lyrisme personnel qui ne sente pas le clinquant de la prostitution de l'âme. Leconte de Lisle fera semblant de s'en déposséder pour le déplacer, avec un talent que trop peu de gens reconnaissent de nos jours, dans le domaine de la légende qui tient à distance le réel et le personnel. Gautier prétendra à une solution de l'art pour l'art, et Banville, dans la foulée de Victor Hugo, développera l'idée de fantaisie des Orientales et la dérision satirique. Musset sera un romantique particulier, malgré le mépris que lui voua Baudelaire, et Verlaine a bien créé, comme le montre Henri Scepi au sujet de la "Chanson d'automne" un mode d'expression du lyrisme plus condensé et délesté des effets qu'on peut parfois considérés comme de manche de la grande rhétorique. Rimbaud est d'évidence l'héritier du lyrisme romantique. Il parle de "fanfare atroce" et son "Bateau ivre" doit beaucoup aux procédés d'écriture pour capter l'attention d'un Lamartine ou d'un Hugo. Il y a un enthousiasme romantique qui se ressent à la lecture des vers de Rimbaud, dans la prosodie de ses compositions. Et les réflexions sur le "Je est un autre" sont bien évidemment un aboutissement, avec correction des abus du premier romantisme, de la grande réflexion initiée au début du dix-neuvième siècle sur les pouvoirs créateurs du moi.
Le troisième point romantique est lié au précédent et suppose une filiation nette de Victor Hugo à Arthur Rimbaud, c'est l'idée que le poète a un magistère à exercer devant la société. L'image du voyant est exploitée par Hugo et Vigny avant Rimbaud, lequel fait d'ailleurs commencer l'idée avec les poètes romantiques qu'il cite nommément, et cette idée de sacerdoce concerne encore Une saison en enfer, livre dont il dit que son sort dépend, puis ces Illuminations dont le titre, certes quelque peu pince sans-rire par aspects, est volontairement dans la continuité des titres Méditations poétiques et Les Contemplations.
***
Le "Suprême Clairon", c'est la forme inversée de l'expression "clairon suprême" utilisée par Victor Hugo à deux reprises dans son recueil de 1859 La Légende des siècles, seule version de ce recueil que Rimbaud pouvait connaître en 1871 et 1872, moment où il composa le sonnet "Voyelles". Hugo a utilisé l'expression dans "Eviradnus" puis dans le poème "La Trompette du jugement" qu'il y a très longtemps déjà le critique Barrère identifia en source patente au dernier tercet du sonnet "Voyelles".
Il s'agit donc d'une allusion au Jugement dernier, et pour la plupart des lecteurs, je présume, cela devrait donc s'opposer à l'idée d'un idéal cosmique enchanteur dont procède pourtant bien le "rayon violet de Ses Yeux".
Il faut se rappeler qu'à ses débuts Rimbaud a composé le poème "Credo in unam" où, un peu à la façon du courant de l'éclectisme en philosophie française d'époque, il a mêlé des éléments de la religion chrétienne ("rédemption", "exil"), du platonisme ("exil", accès à la sphère supérieure des Idées) et d'un paganisme proche de Lucrèce (et donc Démocrite et Epicure) pour aboutir à l'expression d'une pensée personnelle utilisant des beautés du christianisme contre le christianisme, créant un texte spiritualiste contrecarrant le discours chrétien, mais répondant aussi quelque peu aux expansions poétiques d'un Hugo ("Ce que dit la bouche d'ombre"), d'un Musset ou d'un Lamartine. "Credo in unam" ne saurait se réduire à un centon à partir de lectures de Leconte de Lisle et de Banville. Rimbaud y articule une pensée qui lui est propre et qui est un dialogue de remise en cause des prédécesseurs. La divinité dans "Credo in unam" est bien sûr la Vénus. L'idée de jugement dernier est rejetée et nous voyons se mettre en place une idée rimbaldienne constante qu'il faut poser son front de rebelle face au monde, accepter la mort et vivre l'immédiat présent en tant qu'existence pleine et entière. Dès "Credo in unam", l'idée qui fait oxymore d'une divinité de l'être mortel est explicitement posée. Cette idée va se développer avec constance dans les écrits de Rimbaud avec cette acceptation divine de la finitude humaine qu'on retrouve dans la grande lettre "du voyant" du 15 mai 1871 envoyée à Demeny : si le grand poète s'écroule sous les visions, d'autres poursuivront l'œuvre là où il s'est affaissé. Il y a bien une métaphysique de la divinité de l'homme mortel chez Rimbaud, ce qui est confirmé dans "Génie" où il est question dans des temps de naufrage de savoir identifier le souffle du Génie, de s'en emparer et aussi de "le renvoyer". Le poète accepte d'être un rouage dans les cycles du vivant.
Il n'y a pas d'exclusivisme des notions d'exil et de monde idéal dans "Credo in unam". Rimbaud récupère dans son propre discours des éléments clefs des discours qu'en même temps il contredit et conteste. Dans "Voyelles", l'allusion à une image du "Jugement dernier" ne réintroduira pas l'idée d'une fin de récréation qui serait sifflée pour permettre à Dieu de distribuer les bons et les mauvais points, de récompenser et surtout de punir.
Nous avons un texte de transition qui s'impose, c'est "Paris se repeuple". La personnification de Paris est une très claire figure de substitution à celle de Vénus dans "Credo in unam". Je devrais plutôt parler d'équivalence et non de substitution. Paris est célébré pour son front rebelle dans la tourmente et les hommes morts au combat sont célébrés pour s'être ainsi emparés en rebelles de leur valeur d'existence, avec sacre de l'orage. Le "clairon" est bien évidemment dans "Paris se repeuple" un instrument miliaire, un appel au combat, un moyen de raffermir les âmes. Et le lien avec "Voyelles" est indiscutable avec ne fût-ce que la proximité du même nom rare "strideurs".
***
Passons maintenant au sonnet "Voyelles" lui-même.
Le clairon est une expression imagée de la lettre "O". Il s'agit d'un instrument. Dans "La Trompette du jugement", Hugo voit le clairon, puis il ne fait que deviner Dieu derrière ou la main d'un ange pouvant se saisir du clairon. Or, Lamartine a créé dans le domaine de la poésie française un mouvement de créations en vers où le poète est dans un face à face cosmique avec l'univers. Vigny interrogera le silence et en fera de sublimes vers avec le poème "La Mort du loup", mais en 1820 Lamartine apportait cette perspective neuve du regard du poète face au cosmos, temple de Dieu qu'on interroge et où on cherche sa présence. On parle beaucoup des visions cosmiques de Victor Hugo en oubliant qu'il est sur ce plan un disciple ou en tout cas héritier de Lamartine. Et il est vrai que la filiation qui va de Victor Hugo à Rimbaud est autrement plus nette, autrement plus sensible. Or, quand Victor Hugo compose son recueil Les Contemplations il pense bien à Lamartine puisque le titre est un écho volontaire aux Méditations poétiques et à certains emplois de la rime "contemple"::"temple" dans ce même recueil. Fongaro a également très bien souligné à quel point le sonnet "Les Correspondances" réécrivaient Chateaubriand et Hugo, et il n'y manquait que les reprises à Lamartine. En 2003, j'ai beaucoup insisté sur la relation sensible entre "Voyelles" et Les Contemplations : idée qu'on peut lire des lettres dans l'univers, jeux sur les effets de l'ombre et de la lumière avec les connotations symboliques qu'en tirent les poètes, etc. Or, le recueil se termine (si on laisse de côté "A celle qui est restée en France") par un long poème qui, s'il n'est pas le meilleur, n'en est pas moins étonnant et significatif : "Ce que dit la bouche d'ombre". Rimbaud a d'évidence médité cette pièce particulière puisqu'il s'en inspire pour affubler d'un sobriquet dérangeant sa propre mère, qu'il baptise donc la "bouche d'ombre". "Credo in unam" ne sera déjà pas pleinement en phase avec "Ce que dit la bouche d'ombre", mais on peut estimer que "Voyelles" prend des distances plus grandes encore. Comme beaucoup d'éléments du recueil Les Contemplations entrent en résonance avec les vers de "Voyelles", beaucoup de comparaisons sont à prodiguer entre "Ce que dit la bouche d'ombre" et le même sonnet "Voyelles". Et dans la comparaison, on peut aussi apprécier des différences. Mais songez un petit peu que la "bouche d'ombre" c'est un peu une nouvelle expression de ce Dieu que Victor Hugo, après Lamartine, cherche dans le fait de sonder le ciel d'un regard inspiré. Dieu n'est pas que jugement dernier quand on regarde le fond du ciel, il peut être lumière, étoile, etc. La "bouche d'ombre" est une figure de l'inspection cosmique et métaphysique de cet univers que, la Terre nous imposant sa seule image sous nos pieds, nous reportons au ciel avec une préférence inévitable pour le mystère étoilé de la nuit dans une atmosphère sans nuages. En même temps, la "bouche d'ombre", comme signe du divin, c'est l'organe à même de s'aboucher au fameux "Suprême Clairon" du Jugement dernier.
Et revenons donc au sonnet "Voyelles" de Rimbaud. Rimbaud accepte la finitude d'un humain pris dans les cycles de la vie, tout en affirmant une sorte d'exaltation de l'existence individuelle partiellement comparable à certains développements de l'existentialisme au vingtième, à certains développements d'un Camus. Rimbaud exalte l'existence de l'homme révolté qui s'empare de sa vie. Une différence toutefois avec le vingtième siècle, c'est que Rimbaud, en personnifiant si profondément l'univers, même s'il récuse le Dieu du christianisme, crée un continuum de l'existence avec le réel perçu à son tour comme volonté. C'est en tout cas ce qu'il met en place dans la métaphysique de ses poèmes. Il y a un plan sur lequel il nous est plus simple d'adhérer, celui d'une éternité où la dynamique est de cycles où la mer rencontre le soleil, et puis il y a cette tendance à une providence à l'œuvre dans l'univers. Que ça plaise ou non à notre humanité philosophe moderne, Rimbaud ne regarde pas le réel comme extérieur au fait de conscience de sa propre existence. Il y a un continuum explicite dans sa poésie entre le fait de son existence et le fait de l'existence du réel. Puis, point moins déconcertant pour l'homme du vingt-et-unième siècle, mais point à mon avis politiquement perdu (on le voit quand l'humanité et notamment les français se couchent devant l'Union européenne, devant les Etats-Unis, devant le "pass" sanitaire, devant une vaccination rendue obligatoire pour un unique vaccin de la veille anormalement chouchoutée par rapport à d'autres, par rapports aux traitements à multiples médicaments et pourtant en perte de vitesse contre le variant du jour, devant le vote inévitable qui reconduira implacablement un Macron par un mécanisme indéboulonnable qu'on croit devoir admettre constitutionnellement bien constitué, objectivement démocratique avec expression qualitative du choix du peuple ; on le voit aussi avec les inondations actuelles dans le monde (peu de France pour cette fois et peu de Luxembourg, mais Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, Autriche, Pologne, Angleterre, Turquie, Oman, Emirats-Arabes-Unis, Inde, Iran, Chine, et même Lagos au Nigéria, et un peu Detroit et le Costa Rica en Amérique), inondations qui viennent sans doute quelque peu d'un changement climatique, mais aussi de manière non négligeable de l'acceptation basse par les peuples et les états de la complète artificialisation des sols (on va jusqu'à préférer construire sur des sols naturels, plutôt que de reprendre un terrain industriel saccagé et à l'abandon) et aussi du fait de déléguer de plus en plus au privé des travaux qui demandent un entretien public incompatible avec leurs intérêts), il faut souligner dans la pensée de Rimbaud cette articulation de la révolte à sa pensée d'éternité. Le "front" est certes un cliché dans la poésie hugolienne, mais Rimbaud identifie classiquement le front à la fierté humaine et à l'exercice de la pensée individuelle. On baisse le front ou on l'abaisse jusqu'au sol quand on se soumet, on dresse au contraire le front face à l'ennemi quand on veut montrer qu'on va se battre et défendre ce qui nous est cher. Dans "Voyelles", selon une des deux versions connues du poème, les "fronts" sont "doux", mais rien de déplorable, car ils sont également "studieux" et dans la version définitive où Rimbaud évite l'ambiguïté de la douceur ils deviennent "grands". Les "grands fronts studieux" montrent des hommes en acte qui ne font pas qu'hériter de la vie des "voyelles-couleurs". Ils croisent le regard avec ce "rayon violet", rappel du "rayon d'amour" venu du ciel dans "Credo in unam", et ces "fronts" sentent l'affirmation de soi qui continue, dans la paix du "U vert", les actions rebelles du "sang craché" et du "rire". Ces "fronts studieux" héritent aussi de l'épreuve oxymorique des "ivresses pénitentes", avec l'idée de pénitence qui admet la réalité d'une douleur imposée à autrui.
Le "Suprême Clairon" n'est pas le Jugement dernier, il fait partie d'une acceptation de la divinité mortelle de l'homme. Le O est un instrument de musique, un clairon. Par conséquent, les cinq voyelles sont des instruments. Regardez pour le "A noir", c'est un corset, et sinon c'est un golfe, autre expression sémantique du corset. Le corset ou le golfe, c'est un instrument, le philtre d'un alchimiste et on mesure bien que dans sa référence explicite à l'alchimie en ce sonnet Rimbaud ne reprend pas platement les ustensiles de l'alchimiste, il a médité sa composition alchimique pour faire des cinq voyelles les bases de la création universelle. Nous avons des idées de vibrations dans chacune des cinq voyelles-couleurs, le E blanc privilégiera l'idée de "frissons" et le "I rouge" l'expression qui sort de l'humain par ses plaies ou sa bouche. Et c'est là qu'il faut mesurer l'importance centrale, c'est le cas de le dire, du vers 9 qui lance le tercet du "U" supposément vert.
Le vers 9 est très précis. Le "U" est l'image graphique du cycle. Et sa réduplication transforme les cycles en réalité : "U, cycles, vibrements divins des mers virides". Dans ce vers, Rimbaud pose une équation forte : la vibration est un cycle, la vibration est la séquence temporelle du cycle et le U en est l'expression graphique. Sur un graphique, la remontée de la courbe du U à sa hauteur initiale suffit à créer un mouvement cyclique complet selon la perspective linéaire temporelle allant de gauche à droite. Il n'est pas besoin du cercle du O pour dessiner un cycle. L'image du cycle commence avec le U. Et le vers 9 déclare nettement l'équation après l'expression graphique de la lettre U, nous avons l'un à côté de l'autre les mots au pluriel "cycles" et "vibrements". Nous pouvons même ajouter que tout tient, messieurs de l'hémicycle, dans un unique hémistiche : "U, cycles, vibrements". Le rejet signifie expressément la valeur de l'énoncé : "divins" sont-ils ces cycles ou ces vibrements. A son époque, Rimbaud savait que le son était une vibration et que la lumière aussi était une vibration. Et des considérations neuves se faisaient sur la lumière avec l'idée de vibrations associées à trois couleurs fondamentales : le rouge, le vert et le bleu ou violet. Rimbaud n'a en rien oublié la dualité bleu ou violet, il s'en sert dans son poème. Helmholtz, après Young, a parlé d'optique et de l'importance fondamentale de la trichromie rouge, vert et bleu ou violet pour l'œil humain, lequel Helmholtz a publié également sur le son, et était à découvrir en français dans des articles de la Revue des deux mondes, prestigieuse à l'époque. Rimbaud fait de la vibration le liant entre son et voyelle et la base de son idée poétique de correspondance entre couleurs et voyelles. Il y a quelque chose du tableau de Mendeléiev dans les cinq voyelles-couleurs pour exprimer tout du monde, découverte d'époque d'ailleurs (1869), mais il y a aussi une sorte de principe physique newtonien pour dire le monde avec cette idée de la vibration qui est derrière tant le son que la couleur. Rimbaud arrive à mobiliser les acquis récents de la science de son époque pour raviver l'idée d'un Verbe divin de lumière. Jamais les choses ne sont dites en ces termes si précis dans les poèmes de Victor Hugo. On rencontre le verbe "vibrer", on a l'idée johannique de la lumière comme verbe, mais on n'a jamais le vers 9 de Rimbaud, jamais le premier hémistiche du vers 9 de "Voyelles", et ce que dit encore le vers 9, c'est que la vibration c'est l'éternité, et quoi de mieux que l'image de la mer pour exprimer que ce mouvement est inarrêtable et d'une dimension qui pour l'humain éveille à la sensibilité de l'infini. Et Rimbaud, qui dissémine les indices graphiques du cycle inarrêtable sous la forme de la lettre "v" issue du "u" latin, appelle les vibrements des flots "divins", ce qui rompt au passage en visière avec l'éloquence cosmique lamartinienne où Dieu peut dire aux flots "Tu n'iras pas plus loin !" C'est cette idée que cible à la même époque "Le Bateau ivre" quand le poète se moque des "pieds lumineux des Maries", c'est-à-dire des bougies votives au pied de statues de la Vierge pour demander à Dieu de maîtriser la vie des flots marins et permettre aux marins pêcheurs de revenir. Rimbaud réplique très clairement à une idée que Lamartine prononce plus d'une fois dans ses vers d'un Dieu qui peut arrêter les flots et les révolutions des hommes dans "Le Bateau ivre", et il ne fait aucun doute que les "vibrements divins des mers virides" replace la courant électrique de la divinité dans son élément naturel et non plus dans la supercherie d'un au-delà convocable à souhait.
Et donc les cinq voyelles sont des instruments complémentaires d'un même acte créateur et d'une même exaltation. Le "clairon" n'est pas comme le jugement dernier, car le "rayon violet", "rayon d'amour" dans "Credo in unam", est le moteur suprême parmi les vibrations, la vibration ultime, moins dernière que première... finalement, et dans ce mouvement articulé complexe la combinatoire des cycles fait que tout repart toujours avec le "A noir", circularité métaphysique du sonnet "Voyelles" qu'il faut savoir apprécier, car sans cela pas de lecture du poème et pas de compréhension du dépassement du "clairon" par l'élan amoureux du dernier vers. Enfin, du "I rouge" au "Oméga", "rayon violet" en passant par le "U vert", nous avons des hommes en acte qui crachent et rient, qui exposent leurs fronts devant le principe divin, qui croisent le regard avec le divin en affirmation de tout leur être, bien que la mort soit confirmée inéluctable.
11 août 2021

Livres sur Rimbaud en ligne (postérieurs à 1918)

Bulletin des Amis de Rimbaudnuméros 1-7, Mézières, janvier 1931 - avril 1939. Gallica.

Michel Arouimi, Les apocalypses secrètes: Shakespeare, Eichendorff, Rimbaud, Conrad, Claudel...L'Harmattan, 2007.

Anne-Emmanuelle BergerLe Banquet de Rimbaud. Recherches sur l'oralité, Champ Vallon, 1992. Google books search.

Paterne BerrichonArthur Rimbaud, Poésies, Messein, Les Manuscrits des maîtres, 1919. Wikisource.

Nikola BertolinoRimbaud ou la poésie objective, L'Harmattan, 2004. Google books search.

Bernard Beugnot, "Figurations du plaisir : Tête de faune d'Arthur Rimbaud", article figurant dans L'esprit et la LettreGunter Narr Verlag, 1991.

Olivier Bivort et Steve MurphyRimbaud. Publications autour d'un centenaire, Studi francesi, suppl. du n°113, mai-août 1994, numérisation Internet Culturale, Firenze : http://iccu01e.caspur.it/ms/internetCulturale.php?id=oai%3Abncf.firenze.sbn.it%3A21%3AFI0098%3AArsbni2%3ACFI0297229

Antoine BlondinDevoirs de vacances, Éditions Complexe, 1990 (Table ronde, 1977). Le chapitre V est consacré à Rimbaud. Google books search. 

Martine Boyer-WeynmanLa Relation biographique. Enjeux contemporains, Champ Vallon, 2005 : le chapitre III de ce livre Paradigme Rimbaud : biographies d'un silence est entièrement lisible sur Google books search.

Pierre BrunelArthur Rimbaud ou l'éclatant désastre, Champ Vallon, 1983. Google books search.

Pierre Brunel, et autres auteurs : Rimbaud chez adpf http://www.adpf.asso.fr/adpf-publi/folio/rimbaud/index.htm
On trouvera à cette adresse, sur le site du Ministère des affaires étrangères, prêtes à être téléchargées, les notices d'un petit livre de 150 pages destiné à présenter Rimbaud à un vaste public, essentiellement étranger. Ces notices sont respectivement rédigées par Pierre Brunel ("Vies"), par Matthieu Letourneux ("L'œuvre dévorante"), et par Paule-Élise Boudou ("Les merveilleuses images").

Pierre BrunelL'Imaginaire du secret, ELLUG, 1998. Contient l'article : Rimbaud et la poétique de l'énigme

Paul ClaesLa Clef des Illuminations, Rodopi, 2008, 359 p. Google books search.

Marcel CoulonAnatomie littéraire (article "La précocité de Rimbaud"), 1922, "Internet Archive", texte complet : http://www.archive.org/details/anatomielittra00coul

Marcel CoulonLe Problème de Rimbaud, poète maudit, 1923, "Internet Archive", texte complet :
http://www.archive.org/details/2leproblmederi00couluoft ou
http://fr.scribd.com/doc/74318667/Le-Probleme-de-Rimbaud

Ernest DelahayeRimbaud, l'artiste et l'être moral, 1923, "Internet Archive", texte complet :
http://www.archive.org/details/rimbaudlartistee00delauoft

Marc EigeldingerLa voyance avant RimbaudDroz, 1975. Google books search.

Emmanuelle FavierRimbaud mis en scène. Vers une dramaturgie du poétique (thèse), téléchargeable sur le site personnel de l'auteure : http://www.emmanuellefavier.com/essais.php

Benjamin Fondane, Rimbaud le voyouÉditions Complexe, 1990 (Denoël, 1933)Google books search.

Antoine FongaroRimbaud : texte, sens et interprétationsPresses de l'Université du Mirail, Toulouse, 1986. Google books search.

Anne-Marie FortierRené Char et la métaphore Rimbaud, Presses de l'Université de Montréal, 1999. Google books search.

Lucien Francoeur, Trafiquer dans l'inconnu, Le Temps des cerises 1948 (2001). Google books search.

Jean-Pierre GiustoÉcritures, aventures, Presses Univ. Septentrion, 1998. Contient trois articles sur Rimbaud. Google books search.

Colonel Godchot, Rimbaud ne varietur, chez l'auteur, Nice, 1936 :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k229726.r

Daniel A. de GraafArthur Rimbaud, sa vie, son œuvre, L'Harmattan, 2005 (Van Gorcum, 1960). Google books search.

Thorsten Greiner & Hermann Wetzell, Die Erfindung des Unbekannten. Wissen und Imagination bei Rimbaud, 2007. Colloque de 2004 qui contient plusieurs articles en allemand et en français. Google books search.

André Guyaux (dir.), Lectures de Rimbaud, Revue de l'Université de Bruxelles 1982, Digithèque de l'Université libre de Bruxelles.

Bernard MeyerSur les derniers vers : douze lectures de Rimbaud, L'Harmattan, 1996. Google books search.

Jacques Perrin, Rimbaud au Japon (actes de colloque), Presses universitaires de Lille, 1992. Google books search.

Albert PyIlluminations, édition critique, Droz-Minard, 1969. Google books search.

Yves Reboul et alii, Rimbaud dans le texteLittératures, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2006. Google books search.

Isabelle Rimbaud, Reliques, 1921, "Internet Archive", texte complet : http://www.archive.org/details/reliques00rimbuoft

Sergio SacchiÉtudes sur Les illuminations de Rimbaud, Presses de la Sorbonne, 2002.

Philippe Sollers, lecture par l'auteur de son livre "La parole de Rimbaud" (Gallimard, collection À voix haute, 1999), à télécharger : http://www.ubu.com/sound/sollers.html

Frédéric ThomasRimbaud et Marx, une rencontre surréaliste, L'Harmattan, 2007. Google books search.

Pierre VadeboncoeurLe Pas de l'aventurier : à propos de Rimbaud, Presses de l'université de Montréal, 2003.

Nathalie Watteyne, "Les fictions du sujet poétique dans Une saison en enfer", article inclus dans L'irressemblance : Poésie et autobiographie - Page 129 de Michel Braud, Valéry Hugotte - Modernités, Bordeaux, 2007. Google books search.

Seth Adam Whidden, Leaving Parnassus : The Lyric Subject in Verlaine and Rimbaud, 2007. Google books search.

11 août 2021

Films et vidéos

 

 

 

 

 

 

Pierre Dumayet, Pierre DesgraupFilms ou vidéos sur Rimbaud en lignees et un voisin de Rimbaud

 

 

Arthur Rimbaud, le voleur de feu, documentaire de Charles Brabant, avec la participation de Alain Borer, Jean-Pierre Pauty, Léo Ferré, Pierre Petitfils, Vernon Ph. Underwood, Pierre Gascar, TF1-INA (2 heures, 8 minutes), 1977 : https://youtu.be/iNh0uTAEmH4

 

 

Rimbaud le fils de Pierre Michon, entretien vidéo (3 min.) réalisé par Jean-Jacques Régibier pour FR3, à l'occasion de la sortie de Rimbaud le fils, archives de l'INA, 1991 :
http://www.ina.fr/video/ORC9203258549/ecrivain-pierre-michon-rimbaud-le-fils.fr.html

ou
http://www.dailymotion.com/video/xfdwca_ecrivain-pierre-michon-rimbaud-le-fils_news

 

 


Michel Butor, cours sur Rimbaud à l'Université de Genève
, 9:10:52 : 
https://youtu.be/DAHluqDDJNs

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Première partie d'un semestre incomplet de cours, tronqués par un enregistrement déficient, donnés par Michel Butor en 1982 à l’Université de Genève, dont l’essai 'Variations sur Rimbaud' fut tiré (https://amzn.to/3btCnZt).

TABLE DES MATIÈRES : 1er cours : 00:01 – Le « cas Rimbaud » 2ème cours : 45:35 – Le premier Art poétique de Rimbaud (1) 3ème cours : 01:15:20 – Le premier Art poétique de Rimbaud (2) 4ème cours : 02:10:04 – Les « Lettres du voyant » (1) 5ème cours : 02:55:43 – Les « Lettres du voyant » (2) 6ème cours : 03:39:14 – Les « Lettres du voyant » (3) 7ème cours : 04:24:34 – Les « Lettres du voyant » (4) 8ème cours : 05:15:45 – Derniers poèmes avant la vie parisienne 9ème cours : 06:00:27 – La rencontre avec Verlaine 10ème cours : 06:49:12 – L’amour avec Verlaine au creuset d’Alchimie du verbe (1) 11ème cours : 07:30:05 – L’amour avec Verlaine au creuset d’Alchimie du verbe (2) 12ème cours : 08:21:57 – « Je réservais la tradition. »

 

Rimbaud Verlaine (Total Eclipse), film franco-anglo-belge (cent trois minutes) réalisé en 1995 par Agnieszka Holland.
Avec David Thewlis (Verlaine) et Leonardo Di Caprio (Rimbaud) :

http://www.dailymotion.com/video/x7nkw1_rimbaud-verlaine-p1-dicaprio-film_shortfilms#.UNIm83pDSuJ

 

film_total_eclipse_500

 

 

Rimbaud, liberté libre et Athar (1999) présentés par leur réalisateur Jean-Philippe Perrot. Vidéo, 2008 (14 minutes) : http://www.dailymotion.com/video/x51b82_arthur-rimbaud-interview-du-real-je_creation
Athar (complet, 50:55) : https://youtu.be/yF4C5X4gZUY
Rimbaud, liberté libre (complet, 1:30:35) : https://youtu.be/KvMT7V7gxXE.
Le film-annonce (3 minutes) : http://youtu.be/sojb4vAahkk

 

 

 

 

Prélude au grand départ, documentaire de Micheline Paintault, SCEREN-CNDP, 2006 (19 minutes, 33 secondes). Yves Peyré, directeur de la Bibliothèque Jacques Doucet, présente dix-neuf caricatures de Rimbaud issues de la correspondance Nouveau-Verlaine-Delahaye conservées par ce musée : https://youtu.be/_dcVogZBqqA

 


Les Portraits ovales d'Étienne Carjat
, vidéo de Patrick Taliercio, 22 mars 2011 (9'32). L'auteur confronte les opinions de Georges Diepdalle, Claude Jeancolas et Jean-Jacques Lefrère :
https://youtu.be/irG7mOYXyHc

 

10 août 2021

Lettres de Verlaine à Rimbaud

Lettre 1

Lettre 2

Lettre 1

Lettre 1

Lettre 2

Lettre 1

Lettre 1

Lettre 2

Lettre 1

Lettre 2

1 août 2021

Histoire des dessins de Verlaine et retour sur la lettre du 18 mai 1873

18 mai 73

Les dessins de Verlaine ont une histoire mal connue. Verlaine avait conservé toutes les lettres qu’il avait reçues de Germain Nouveau et Delahaye, puis il avait découpé les dessins. Ils étaient séparés des lettres auxquelles ils avaient appartenu et dont ils constituaient l’illustration. Il donna  à la fin de sa vie les dessins à Laurent Tailhade qui les vendit au collectionneur Doucet. Ce trésor se retrouva donc à la Bibliothèque Doucet. En 1949 le conservateur demanda à Jean-Marie Carré, connu pour avoir écrit une Vie de Rimbaud, de classer les dessins. Carré accepta et à la suite publia un ouvrage intitulé « Autour de Verlaine et Rimbaud ». Dans son introduction Carré écrivait que si Verlaine les avait conservés au cours d’une existence errante et irrégulière, c’était après les avoir soigneusement découpés, et il s’était même appliqué à raturer, au verso, les passages des lettres qu’il lui eût été impossible de supprimer sans mutiler les croquis. Certains lui apparaissaient, sinon compromettants, du moins inutilement révélateurs pour des yeux indiscrets. La plupart des dates avaient disparu.

Il semble que Rimbaud ait pris l’habitude d’illustrer ses lettres à la suite de sa correspondance avec Verlaine. Ainsi la lettre de « Laïtou » est la première de Rimbaud que nous connaissons illustrée. De plus le langage des lettres était une sorte d’argot et de patois. Ils se complaisaient à de monstrueuses démonstrations du plus simple vocabulaire. Delahaye se mit au diapason des deux amis. Verlaine avec « son accent parisiano-ardennais » comme il le dit lui-même rend malaisée l’identification des êtres, des lieux et des choses.

 

C’est la difficulté que nous avons rencontrée avec la lettre du 18 mai 1873. 

 

Il ressort de la recherche précédente que le quatrain sous le monarque est celui-ci

 

Vive notre grand Monarquô

Féculard et fils premierô

Sur son front il a la marquô

Qui prédestine au cimiérô ! ( ter)

 

Le personnage Dupont est un séminariste qui a été élève avec Rimbaud au collège de Charleville. Son nom apparaît au palmarès des prix de la classe de seconde et de rhétorique.

 

 

 

Dupont (1)

Dupont 2

 La phrase sous le miroir qui représente un joueur de billard (qui est ce personnage ?) ne donne qu’un mot sûr : « béliard ». Des interprétations ont été données. Voir les commentaires des précédents articles.

 

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