Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A.R.
16 avril 2021

L'oeuvre de Rimbaud

La destinée d’Arthur Rimbaud forme un volet complet de son œuvre : l’héritage littéraire du poète est indissociable des péripéties de sa vie, cristallisés après sa mort dans un mythe qui hante le xxe siècle. Car les « pouvoirs surnaturels » qu’il revendique (« Adieu », Une saison en enfer, 1873) font de Rimbaud un témoin et un acteur à travers l’écriture. La révolution poétique qu’il introduit passe par une expérience de l’imaginaire, qui est aussi une aventure humaine sans précédent.

LE « VOYANT »
L’ENFANT HALLUCINÉ

 

1311206-Arthur_Rimbaud_par_Paul_Verlaine

Arthur Rimbaud, par Paul Verlaine

Enfant précoce et d’une extrême sensibilité, Rimbaud rencontre vite les limites du milieu familial et provincial où il grandit. L’apprentissage scolaire lui laisse entrevoir les ressources de la littérature. Mais sa soif de nouveauté le détourne de la plupart des auteurs étudiés en classe. C’est en lui-même, à l’écart des modèles et des conventions, qu’il mène l’expérience du voyant en quête d’un univers parallèle : « Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences » (Lettre d'Arthur Rimbaud à Paul Demeny, 15 mai 1871).

UN « OPÉRA FABULEUX »

Le « dérèglement de tous les sens » renvoie aux correspondances baudelairiennes. Le premier, Charles Baudelaire a établi la parenté qui unit les parfums, les couleurs et les sons ; le premier il a su déduire de la magie des sensations une réalité qui est au-delà des choses.

Or Rimbaud entend dépasser ce maître, l’un des seuls parmi les poètes modernes à mériter selon lui le qualificatif de voyant et qu’il regarde comme « un vrai Dieu » (Lettre d'Arthur Rimbaud à Paul Demeny, 15 mai 1871), mais auquel il reproche un certain conservatisme sur le plan de l’expression et de la forme. Le dérèglement des sens aboutit à une fusion entre monde extérieur et monde intérieur, entre imagination et pensée, entre rêve et réalité. Et cette fusion, qui transmue le poète en un « Opéra fabuleux » (« Délires II. Alchimie du verbe », Une saison en enfer), nécessite une langue nouvelle pour être restituée.

LA FORME LIBÉRÉE

Après avoir sollicité à ses débuts la protection de Théodore de Banville (1870), Rimbaud s’éloigne de l’orbite du Parnasse. La généralisation du principe des correspondances est acquise dès le sonnet des « Voyelles » (1871), ouvrant la voie au « vers libre » – c’est-à-dire non rimé :
« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, /
Je dirai quelque jour vos naissances latentes ».

Les poèmes en prose des Illuminations (1872-1875 ; publié en 1886) constituent l’aboutissement du processus. Déstructurer la phrase, rompre les rythmes accoutumés, inventer des sensations nouvelles en bouleversant les anciennes, faire communiquer les mondes du visible et de l'invisible – en un mot, il s'agit de « trouver une langue ». L’au-delà des choses dessine un absolu où le voyant rejoint le mystique – ce que l’effacement du poète de la scène littéraire semble venir confirmer.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité