Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

A.R.

13 avril 2021

Jeunesse

I

Dimanche

spaceLes calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit.

- Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste carbonique. Une misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après des abandons improbables. Les desperadoes languissent après l'orage, l'ivresse et les blessures. De petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières. -

Reprenons l'étude au bruit de l'oeuvre dévorante qui se rassemble et remonte dans les masses.

II
Sonnet

spaceHomme de constitution ordinaire, la chair n'était-elle pas un fruit pendu dans le verger, - o journées enfantes ! le corps un trésor à prodiguer ; - o aimer, le péril ou la force de Psyché ? La terre avait des versants fertiles en princes et en artistes, et la descendance et la race nous poussaient aux crimes et aux deuils : le monde, votre fortune et votre péril. Mais à présent, ce labeur comblé, - toi, tes calculs, - toi, tes impatiences, - ne sont plus que votre danse et votre voix, non fixées et point forcées, quoique d'un double événement d'invention et de succès + une raison, - en l'humanité fraternelle et discrète par l'univers sans images ; - la force et le droit réfléchissent la danse et la voix à présent seulement appréciées.

III


Vingt ans

spaceLes voix instructives exilées... L'ingénuité physique amèrement rassise... - Adagio - Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant... - Un choeur, pour calmer l'impuissance et l'absence ! Un choeur de verres de mélodies nocturnes... En effet les nerfs vont vite chasser.

IV

spaceTu en es encore à la tentation d'Antoine. L'ébat du zèle écourté, les tics d'orgueil puéril, l'affaissement et l'effroi.

spaceMais tu te mettras au travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s'émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s'offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la curiosité d'anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu ? En tout cas, rien des apparences actuelles.

Plan
1-L'oisiveté dominicale
2-Une nouvelle poésie en gestation
3-Un adolescent dépressif
4-La positive attitude


Introduction

"Jeunesse" au singulier se présente comme une symphonie musicale en quatre parties, quatre mouvements numérotés en chiffes romains, discontinuité qui se retrouve dans d'autres poèmes "Vies", "Enfance" et "Veillées" comme autant d'évocations du passé. Le premier mouvement, à rythme ternaire, l'allégro vif et rapide a pour sous titre "Dimanche", un jour de repos que l'on veut voir le plus court possible pour se remettre au travail. Le second mouvement, le scherzo, vif et brillant a pour sous titre "Sonnet" et a la même position dans la 9 ème symphonie de Beethoven. Le troisième mouvement l'adagio au tempo lent a pour sous titre "Vingt ans". Le dernier mouvement est un allegro, il n'y a pas de chœur, de voix mais une volonté de terminer rapidement le dimanche et d'entrer dans le nouveau monde désiré qui ne peut naître sans travail.


I-L'oisiveté dominicale
La première partie de ce poème ne peut se comprendre qu'à travers les réflexions d'un jeune auteur dont l'ambition est de publier, d'écrire, de sortir de l'ornière des vies ordinaires ennuyeuses. "Les calculs sont de coté", par cette introduction le poète souligne l'inactivité scolaire du dimanche, l'absence des cours d'arithmétique, des calculs. Le poète revient sur le quotidien de son enfance à Charleville-Mézières, la peste carbonique des mineurs, la messe, les courses de chevaux, les amours. Le dimanche, cette vie est bien ennuyeuse. Bien avant la télévision, le cinéma et autres distractions dominicales actuelles, la vie, le dimanche à l'époque de Rimbaud est aussi ennuyeuse qu'elle peut l'être aujourd'hui pour les jeunes à la campagne ou à la ville. L'absence d'activité, la messe, "l'inévitable descente du ciel", la visite aux amis "la visite aux souvenirs" rythment le quotidien de cette journée. Les femmes qui ont connu des drames, perdu leur être cher, ou abandonnées, rêvent de nouvelles rencontres. Elles pensent à des risque-tout, des despérados qui viendraient les arracher à la tristesse, à leur isolement dans la misère de leur quotidien. Ces despérados, leur œuvre accomplie, retournent vite à leur nature de mauvais garçons et ne sont pas l'espoir tant attendu. Charleville le dimanche pour les jeunes, c'est la pêche dans les rivières, les étangs, avec le risque angoissant de la noyade, les courses de chevaux sur de modestes hippodromes, les mineurs malades de la silicose, la visite aux proches, la sortie des vieux albums photos de famille, rien de bien réjouissant.
Notre jeune poète réfléchit pour savoir s'il a pris la bonne décision en s'aventurant sur des sentiers de la renommée avec tous ses dangers pour éviter l'ennui d'un quotidien ordinaire, celui des masses, du plus grand nombre. Les souvenirs, les visions, sont revenus, une raison de plus de rester ferme dans sa décision et de reprendre l'étude.


II-Une nouvelle poésie en gestation
Dans le manuscrit la seconde partie est écrite sur quatorze lignes de même mesure 13 pieds, deux quatrains et deux tercets, forme habituelle du sonnet généralement adressé à une dame en déclaration d'amour. Les deux premiers quatrains, la thèse font référence au passé. "Homme" en attaque de poème est souligné dans le manuscrit, une façon pour l'auteur d'affirmer son identité malgré des apparences et un comportement trompeur. Le début du poème nous donne l'image d'un homme ordinaire qui attend l'amour mais avec sa jeunesse, son inexpérience il ne sait pas s'il sera dangereux ou réconfortant. Son corps aspire à vivre des expériences, à se dépenser généreusement, sans compter les périls d'une satisfaction vite obtenue, car les interdits activent toujours les curiosités. La chair, le fruit pendu du verger", métaphore de la pomme de l'arbre défendu du paradis terrestre qu'Eve poussée par le serpent croqua est aussi l'image d'un passé idyllique, ou tout était à portée de main, mais qu'une malédiction entacha. Notre poète rassemble dans sa métaphore le mythe du fruit défendu et celui de l'amour interdit d'Éros et de Psyché pour souligner la faiblesse originelle de l'homme incapable de résister à la force de la séduction, au pouvoir de l'amour. Nous sommes les descendants d'Eve et de Psyché, poussés au crime par notre faiblesse, notre passivité, notre incapacité à échapper à la magie de la séduction. La travail préalable étant achevé, notre poète nous donne dans les deux tercets les premières lignes de sa nouvelle métamorphose. Sa poésie est encore en gestation, n'en témoignent les nombreuses ratures et surcharges du manuscrit, avec le signe + appelant de nouveaux développements. Ce sera une danse de voix, de mots et c'est assez bien réussi. Dans cette danse, les partenaires échangent des dialogues qui sont précédés par des tirets, dialogues qui semblent interrompus à la suite de changement de partenaires, puis repris. Même s'il s'agit d'un dialogue intérieur, notre poète s'apostrophe comme Verlaine avant lui "Et toi, qu'as tu fait de ta jeunesse ?". Il faut lire ces voix en tenant compte des changements de partenaires, rattacher "ne sont plus que votre danse" à la suite de "toi, tes calculs" (même sans tiret) et comme "en l'humanité" après " -toi tes impatiences". On assiste à la naissance d'un monde nouveau sur un monde ancien décevant. "Toi tes calculs, toi tes impatiences", sont l'expression du nouveau monde, qui avec la forme tonique du pronom familier en anaphore, prend l'allure d'une croisade idéologique appuyée par "votre", littéralement qui est à vous. Ma poésie sera la votre semble nous dire le poète et il nous en donne quelques grandes lignes, ce sera une écriture d'invention donc nouvelle, rien de comparable avec l'existant, une poésie s'appuyant sur le réel, répondant aux aspirations de chacun, universelle, vantant les succès mais plus raisonnable que ce qui a été fait jusque là. Ce sera une poésie évolutive, non rigide, non fixée et curieusement sans images. C'est bien une croisade au nom d'une principe supérieur, le droit, mais qui peut aussi faire usage de la force, un consensus dans lequel chacun est appelé à y réfléchir. Notre poète nous fait dans ce scherzo une brillante et vive démonstration de ce qu'il va entreprendre, ce sonnet a bien l'apparence d'une lettre d'amour à une humanité dont on sait qu'elle sera composée d'êtres parfaits qui ne seront pas enclins à leurs mauvais instincts naturels, ceux décrits par Jacques Lacan.


III-Un adolescent dépressif
Rimbaud aura 20 ans le 20 octobre 1874, cet âge est attendu avec impatience à l'époque où il écrit ces lignes, les jours lui semblent longs, n'en témoigne cet adagio. Avec ce ralentissement, il jette un regard plein de nostalgie sur son enfance et son adolescence comparés à un été plein de fleurs, avec les qualités qui le rendaient admirable autrefois, la scolarité, la franchise innocente, l'égoïsme, l'optimisme. Il appelle désormais autre chose, pour calmer son impuissance et l'absence, retrouver l'invention et le succès, un quatrième mouvement, un chœur de voix, une sorte d'hymne à la joie. Mais il est à bout de nerfs. Pour échapper à cet immobile ennui, à cet air lent et grave de l'adagio dans lequel il se trouve à l'aube de ses vingt ans, il en appelle à un sursaut, un entraînement nerveux, à la musique, un chant collectif, un "chœur".

IV-Une positive attitude

Avec le "tu" qui domine le texteRimbaud place son dernier mouvement sur le thème du sursaut en multipliant les reproches qu'ils se fait à lui-même. Il a cédé à la tentation d'Antoine, à ses visions objectivées par son cerveau, aux pièges de la lanterne magique de la rêverie, à la séduction, aux tentations. Dans cet examen de conscience, la tentation d'Antoine n'est qu'un ensemble de fausses magies où chacun se laisse prendre dans ce miroir aux alouettes, en croyant voir des réalités dans des imaginations. L'ébat du zèle écourté renvoie à l'interruption dans l'étude du dimanche, les tics d'orgueil puéril à la satisfaction anticipée de sonnet et l'affaissement et l'effroi au moment de dépression de vingt ans. Après ce bilan, il s'impose de se remettre au travail en commençant par de nouvelles recherches sur les harmonies ou sur l'architecture de la poésie. Notre nouveau démiurge se place dans un endroit à la hauteur de l'envergure qu'il entend donner à son œuvre, ce sera un siège, un trône. Il faut reprendre les expériences avec des êtres parfaits et imprévus. Le monde ancien de la rêverie, des hallucinations, du luxe d'oisifs, les anciennes foules, viendront assister à la naissance de ce monde nouveau comme une curiosité. Ces nouvelles expériences s'appuieront sur la réalité, les souvenirs, l'expérience, les sens, et n'aura rien à voir avec ce monde actuel, ce sera une métamorphose.

Conclusion
Il y a toujours chez Rimbaud et particulièrement dans ce poème "jeunesse" un débat qui se joue entre l'action et l'oisiveté, entre la force et l'anéantissement, entre le calcul, le travail et la passivité. Si l'énergie de Rimbaud se dissipa fréquemment dans des aventures souvent navrantes comme s'en plaignait Verlaine "Malheureux ! tous ces dons". Pour ne pas hâter sa perte il a dans ce poème un souci évident de replonger dans le réel, de revenir à des harmonies, et de laisser taire quelques instant son râle d'ennui. Pour se stimuler, notre poète s'apostrophe et nous fait un état sans complaisance de son passé d'orgueil puéril. "Jeunesse" est une symphonie pour un monde meilleur ou les hommes ne seront plus la proie de leurs vils instincts.

Vocabulaire


Les calculs de côté
Les calculs sont les problèmes d'école de robinets ou de trains qui se croisent, Rimbaud les avaient en horreur.
Despéradoes : anglicisme, pluriel de despérados, homme que son attitude négative face à la société rend disponible pour toutes sortes d'actions violentes, homme perdu, hors- la- loi, cerveau brûlé, risque-tout, aventurier.


Turf

Endroit où ont lieu les courses de chevaux

Suburbain

Qui se trouve dans les environs d'une ville.

Boisements

Plantations d'arbres.


Peste carbonique
Ce sont des pneumoconioses dont la plus connue est la silicose, c'est la maladie des mineurs provoqué par l'irritation du charbon. Les poumons des personnes malades sont comme troués d'où l'adjectif percé.

Les malédictions le long des rivières

Ce sont les noyades, fréquentes chez les enfants dans des étangs, des rivières.

Prodiguer

Dépenser sans mesure

Psyché
Princesse dont la beauté excita la jalousie d'Aphrodite qui demanda à son fils Eros de la faire périr mais il en tomba amoureux. Elle ne devait jamais voir son visage sinon c'était le drame, ce qui arriva. Apulée raconte ce mythe dans l'âne d'or au IIème siècle.

Une misérable femme de drame
Tout le monde pense à Mathilde, qui a ici le sens de femme très pauvre ayant vécu un drame, une veuve.

Ingénuité physique
D'une franchise innocente

Tentation d'Antoine

Antoine est un anachorète qui pendant son séjour dans le désert subit des visions et des tentationsMis à l'épreuve par Satan, se tire de tous les mauvais pas dans la solitude et la méditation mais reconnaît qu'il se laisse à chaque fois prendre au piège de ses visions.

Zèle

Empressement, application pleine d'ardeur.

 

 

 

 
 
Publicité
Publicité
13 avril 2021

Promontoire

spaceL'aube d'or et la soirée frissonnante trouvent notre brick en large en face de cette Villa et de ses dépendances qui forment un promontoire aussi étendu que l'Epire et le Péloponnèse, ou que la grande île du Japon, ou que l'Arabie ! Des fanums qu'éclaire la rentrée des théories, d'immenses vues de la défense des côtes modernes ; des dunes illustrées de chaudes fleurs et de bacchanales ; de grands canaux de Carthage et des Embankments d'une Venise louche, de molles éruptions d'Etnas et des crevasses de fleurs et d'eaux des glaciers, des lavoirs entourés de peupliers d'Allemagne ; et les façades circulaires des "Royal" ou des "Grand" de Scarbro ou de Brooklyn ; et leurs railways flanquent, creusent, surplombent des talus de parcs singuliers penchant des têtes d'Arbre du Japon ; et les façades circulaires des "Royal" ou des "Grand" de Scarbro' ou de Brooklyn ; et leurs railways flanquent, creusent, surplombent les dispositions de cet Hôtel, choisies dans l'histoire des plus élégantes et des plus colossales constructions de l'Italie, de l'Amérique et de l'Asie, dont les fenêtres et les terrasses à présent pleines d'éclairages, de boissons et de brises riches, sont ouvertes à l'esprit des voyageurs et des nobles - qui permettent, aux heures du jour, à toutes les tarentelles des côtes illustres, - et même aux ritournelles des vallées illustres de l'art, de décorer merveilleusement les façades du Palais.Promontoire.

A.R.   (Illuminations

 

Scènes

L'ancienne Comédie poursuit ses accords et divise ses Idylles :

Des boulevards de tréteaux.

Un long pier* en bois d'un bout à l'autre d'un champ rocailleux où la foule barbare évolue sous les arbres dépouillés.

Dans des corridors de gaze noire, suivant le pas des promeneurs aux lanternes et aux feuilles.

Des oiseaux des mystères s'abattent sur un ponton de maçonnerie mu par l'archipel couvert des embarcations des spectateurs.

Des scènes lyriques, accompagnées de flûte et de tambour, s'inclinent dans des réduits ménagés sous les plafonds, autour des salons de clubs modernes ou des salles de l'Orient ancien.

La féerie manoeuvre au sommet d'un amphithéâtre couronné de taillis, - Ou s'agite et module pour les Béotiens, dans l'ombre des futaies mouvantes sur l'arête des cultures.

L'opéra-comique se divise sur notre scène à l'arête d'intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux.

- *Pier est un mot anglais signifiant la jetée, corrigé à tort en pilier dans certaines éditions.

13 avril 2021

Soir Historique

spaceEn quelque soir, par exemple que se trouve le touriste naïf, retiré de nos horreurs économiques, la main d'un maître anime le clavecin des prés ; on joue aux cartes au fond de l'étang, miroir évocateur des reines et des mignonnes, on a les saintes, les voiles, et les fils d'harmonie, et les chromatismes légendaires, sur le couchant.

Il frissonne au passage des chasses et des hordes. La comédie goutte sur les tréteaux de gazon. Et l'embarras des pauvres et des faibles sur ces plans stupides ! À sa vision esclave, - l'Allemagne s'échafaude vers des lunes ; les déserts tartares s'éclairent - les révoltes anciennes grouillent dans le centre du Céleste Empire ; par les escaliers et les fauteuils de rois - un petit monde blême et Plat, Afrique et Occidents, va s'édifier. Puis un ballet de mers et de nuits connues une chimie sans valeur, et des mélodies impossibles.

La même magie bourgeoise à tous les points où la malle nous déposera ! Le plus élémentaire physicien sent qu'il n'est plus possible de se soumettre à cette atmosphère personnelle, brume de remords physiques, dont la constatation est déjà une affliction.

Non ! - Le moment de l'étuve, des mers enlevées, des embrasements souterrains, de la planète emportée, et des exterminations conséquentes, certitudes si peu malignement indiquées dans la Bible et par les Nornes et qu'il sera donné à l'être sérieux de surveiller. - Cependant ce ne sera point un effet de légende !

 

13 avril 2021

Scènes

L'ancienne Comédie poursuit ses accords et divise ses Idylles :

Des boulevards de tréteaux.

Un long pier* en bois d'un bout à l'autre d'un champ rocailleux où la foule barbare évolue sous les arbres dépouillés.

Dans des corridors de gaze noire, suivant le pas des promeneurs aux lanternes et aux feuilles.

Des oiseaux des mystères s'abattent sur un ponton de maçonnerie mu par l'archipel couvert des embarcations des spectateurs.

Des scènes lyriques, accompagnées de flûte et de tambour, s'inclinent dans des réduits ménagés sous les plafonds, autour des salons de clubs modernes ou des salles de l'Orient ancien.

La féerie manoeuvre au sommet d'un amphithéâtre couronné de taillis, - Ou s'agite et module pour les Béotiens, dans l'ombre des futaies mouvantes sur l'arête des cultures.

L'opéra-comique se divise sur notre scène à l'arête d'intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux.

- *Pier est un mot anglais signifiant la jetée, corrigé à tort en pilier dans certaines éditions.

13 avril 2021

H

spaceToutes les monstruosités violent les gestes atroces d'Hortense. Sa solitude est la mécanique érotique, sa lassitude, la dynamique amoureuse. Sous la surveillance d'une enfance, elle a été, à des époques nombreuses, l'ardente hygiène des races. Sa porte est ouverte à la misère. Là, la moralité des êtres actuels se décorpore en sa passion ou en son action. - O terrible frisson des amours novices sur le sol sanglant et par l'hydrogène clarteux ! trouvez Hortense.

 

Publicité
Publicité
13 avril 2021

Mouvement

Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,

Le gouffre à l'étambot,
La célérité de la rampe,
L'énorme passade du courant,
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.

Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le comfort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l'éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce Vaisseau.
Repos et vertige
À la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d'étude.

Car de la causerie parmi les appareils, - le sang ; les fleurs, le feu, les bijoux -
Des comptes agités à ce bord fuyard,
- On voit, roulant comme une digue au delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s'éclairant sans fin, - leur stock d'études ;
Eux chassés dans l'extase harmonique,
Et l'héroïsme de la découverte.

Aux accidents atmosphériques les plus surprenants,
Un couple de jeunesse s'isole sur l'arche,
- Est-ce ancienne sauvagerie qu'on pardonne ?
Et chante et se poste.

 

13 avril 2021

Bottom

spaceLa réalité étant trop épineuse pour mon grand caractère, - je me trouvai néanmoins chez ma dame, en gros oiseau gris bleu s'essorant vers les moulures du plafond et traînant l'aile dans les ombres de la soirée.

Je fus, au pied du baldaquin supportant ses bijoux adorés et ses chefs-d'oeuvre physiques, un gros ours aux gencives violettes et au poil chenu de chagrin, les yeux aux cristaux et aux argents des consoles.

Tout se fit ombre et aquarium ardent.

Au matin - aube de juin batailleuse, - je courus aux champs, âne, claironnant et brandissant mon grief, jusqu'à ce que les Sabines de la banlieue vinrent se jeter à mon poitrail.

- Métamorphoses était le premier titre du poème. Il a été barré sur l'autographe et remplacé par Bottom. Bottom est un personnage du "Songe d'une nuit d'été", de William Shakespeare, qui se trouve changé en âne.

 

 
13 avril 2021

Dévotion

 

spaceÀ ma soeur Louise Vanaen de Voringhem : - Sa cornette bleue tournée à la mer du Nord. - Pour les naufragés.

À ma soeur Léonie Aubois d'Ashby. Baou - l'herbe d'été bourdonnante et puante. - Pour la fièvre des mères et des enfants.

À Lulu, - démon - qui a conservé un goût pour les oratoires du temps des Amies et de son éducation incomplète. Pour les hommes ! À madame ***.

À l'adolescent que je fus. À ce saint vieillard, ermitage ou mission.

À l'esprit des pauvres. Et à un très haut clergé.

Aussi bien à tout culte en telle place de culte mémoriale et parmi tels événements qu'il faille se rendre, suivant les aspirations du moment ou bien notre propre vice sérieux.

Ce soir, à Circeto des hautes glaces, grasse comme le poisson, et enluminée comme les dix mois de la nuit rouge - (son coeur ambre et spunk), - pour ma seule prière muette comme ces régions de nuit et précédant des bravoures plus violentes que ce chaos polaire.

À tout prix et avec tous les airs, même dans des voyages métaphysiques. - Mais plus alors.

Plan
Introduction
1-Une litanie profane
2-Un acte de désespoir
3-Une nécessité à tout prix
Conclusion
Une poésie en suspens


Introduction
"Dévotion" fait partie des trois derniers poèmes en prose des "Illuminations", dont le manuscrit avec celui de "Démocratie" a été perdu ou se trouve dans une collection privée que l'on ignore. Étrange titre pour un auteur dont on connaît la profonde aversion pour l'église. Le poème surprend, et se lit au départ comme une litanie, une suite de prières, d'invocations, non pas déposées sur des autels ou faites à des prêtres mais adressées tout d'abord à deux femmes, deux religieuses, les plus modestes représentantes du clergé, la première secourant les insurgés, la seconde soignant les malades fiévreux. Si la découverte d'un poème s'apparente à un voyage métaphysique, des dangers peuvent menacer le lecteur et il est prudent de demander protection si d'aventure on faisait naufrage par incompréhension ou si quelque maladie venait à se déclarer. Ces dangers apparaissent vite, brusquement le ton change, avec l'invocation à "Lulu", personnage épisodique de la prostitution qui ne tarde pas à nous éclairer sur le ton sarcastique et le sens réel de ces prières. Prière bien singulière car elle ne concerne que la protection des hommes. Nous allons essayer de suivre Rimbaud dans son voyage mystique et nous espérons atteindre l'extase du nouveau monde qu'il nous annonce, l'acumen beatitudinis, entrevu dans "Barbare par les exclamations "Ô douceurs", "ô monde", "ô musique".


I-Une litanie profane

C'est bien à un voyage que nous invite Rimbaud à la découverte de ce poème, un embarquement immédiat vers le nouveau monde, le chaos polaire, les nuits rouges interminables, car l'ordre des mots parfois confus, leur froideur peut donner cette impression et dans ce froid polaire on risque la maladie, la fièvre. L'aventure littéraire qu'il nous propose est bien une exploration, avec les mêmes dangers de naufrage que sur la mer. Dans ce voyage, métaphore d'une odyssée marine, le sens des mots peut être obscur, on peut perdre pied, se noyer. Ce déplacement est un déplacement risqué dans un remous de mots reproduisant métaphoriquement l'arche diluvienne de Noé ballottée par les flots. Les lecteurs de Rimbaud ont donc bien besoin de prières pour affronter les turpitudes, les remous, les méandres, les incompréhensions qui ne manqueront pas d'apparaître. Le voyage pour métaphysique et imaginaire qu'il soit, n'est pas qu'un simple baignade sans risque dans un océan de mots. Même si Rimbaud compte sur sa magie verbale pour assurer la traversée sans tragédie, quelques pratiques religieuses anciennes et toujours d'actualité peuvent être utiles. La formulation "A ma sœur" marque bien l'intention de prière adressée directement aux deux religieuses, pour obtenir les faveurs divines. On sera plus surpris de lire l'intention adressée à "Lulu", un démon, proche du diable mais qui a conservé la foi par goût des oratoires du temps des amies. Cette prière à Lulu ne concerne étrangement que les hommes. Une autre prière est adressée à Madame***, elle diffère des autres car elle n'est pas disposée en début de paragraphe mais suit dans l'ordre la prière à Lulu. Madame*** apparaît plusieurs fois chez Rimbaud, "elle se tenait debout dans la prairie", "elle établit un piano dans les Alpes", c'est probablement sa mère, la pieuse mother. Une autre prière est adressée à Verlaine récemment converti à la religion et qui croupit à la prison de Mons, son ermitage, ce lieu désert ou vivent retirés certains religieux. Il s'adresse aussi à lui même, non pas tel qu'il est aujourd'hui mais l'adolescent qu'il fut, tel qu'il était donc quelques années auparavant, encore croyant. Il en appelle aux pauvres, ces pauvres qui fréquentent les bêtes églises le dimanche des "Premières communions", au haut clergé, mais pas aux prêtres, le bas clergé car il en a horreur depuis son épisode avec le supérieur qui se moquait de sa première poésie. Il fait des prières à tous les cultes sans distinction et en tous lieux de culte. C'est ce qu'on appelle une prière universelle.

II-Un acte de désespoir
En dehors de ces prières officielles, il a une prière personnelle à faire, non pas à un représentant de quelque culte mais à une divinité Circeto, une magicienne. Le thème du magicien est bien connu des élèves qui prépare le baccalauréat et qui étudie "l'Illusion comique de Corneille". Ici Rimbaud en appelle à Circeto, Circé la baleine, la plus célèbre des magiciennes qui avec des philtres et des poisons métamorphosait ses ennemis en animaux. Circeto la baleine nous rappelle étrangement l'épisode de Jonas rejeté par la baleine. Rimbaud a peur que ses lecteurs ne soient un peu avec ses poèmes dans la même obscurité que Jonas dans la baleine. Rimbaud a peur de l'enfermement, il craint de faire "tresse avec son siège", l'enferment de Jonas dans la baleine représente la pire des choses. La poésie est voyage, mouvement pour la découvrir, c'est le prix à payer, il faut se faire violence, y mettre tout son cœur et toute son ardeur, le spunk pour arriver à la découvrir. La fixité est pour lui la nuit, la stérilité, la nuit polaire quasi permanente. Rimbaud n'est pas Baudelaire et peu de femmes en dehors de sa mère, de sa sœur Isabelle, et de quelques amourettes n'accompagneront la destinée du poète. On sera donc étonné de cet appel étrange de notre nouvel Ulysse à une femme fut-elle magicienne sous les traits d'une baleine pour combattre les oppositions à son odyssée poétique dont il doit vaincre tous les écueils. Cela ressemble d'avantage au cri d'un naufragé, qu'à une prière.


III-Une nécessité à tout prix
Les conquérants du monde emportés dans le vaisseau rimbaldien décrits dans le poème qui précède "Mouvement" doivent poursuivre le voyage à tout prix. L'embarcation de "mouvement", véritable arche, est la continuité du "bateau ivre" qui doit réussir son périple à travers tous les dangers. Mais cette réussite a un corollaire, elle doit oublier certains restes sentimentaux des amours d'autrefois, more plutôt que nevermore, le jamais plus du poème de Verlaine. Cette phrase "jamais plus" est indissociable de la dernière strophe de Mouvement "Un couple de jeunesse s'isole sur l'arche/-Est-ce une ancienne sauvagerie qu'on pardonne ? Et chante et se poste." dans laquelle le couple isolé qui semble ne pas participer à la fraternité nouvelle trahit la subsistance d'une ancienne ère sentimentale que les aventuriers de l'arche semble invoquer. Rimbaud nous signale comme tout novateur, qu'il faut bien une volonté de dépassement pour découvrir de nouveaux mondes mais que certains peuvent avoir la nostalgie du passé. La renommée de Rimbaud, si éclatante aujourd'hui, a cependant été bien tardive, sa désinvolture pour conquérir sa liberté, échapper aux obstacles paralysants y est pour beaucoup. Il a eu raison de croire que la poésie devait être transgressive et libératrice pour accéder à sa véritable indépendance. "Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges. C'est cette époque qui a sombré !" écrit-il dans "Génie" qui finit les Illuminations.

Conclusion

"Devotion" est un des derniers poèmes d'Illuminations, qui appelle à ce voyage métaphysique à tout prix. Il en connaît les dangers qui peuvent faire hésiter bien des prétendants. Il en appelle aux pratiques religieuses habituelles pour implorer protection alors que rien ne dit que Rimbaud ne souhaite pas que chacun se fasse violence pour surmonter ses résistances, ses habitudes, son confort. Pour être bon dévot on n'en est pas moins homme. Il faut parfois prendre sur soi pour savoir suivre les vues, les souffles, le corps, le jour du "Génie" alors que nous sommes parfois dans les rages et les ennuis, ce sera le dernier message de Rimbaud et nous sommes de son avis.

Vocabulaire

Dévotion :
Vive piété, attachement aux pratiques religieuses.


Invocation :
Dans un sens religieux, protection, patronage.

Litanie :
Prière qui fait alterner les invocations psalmodiées par l'officiant et les répons chantés ou récités par l'assistance, au sens figuré énonciation de plaintes.


Soeur :

Titre donné aux religieuses dans certains ordres.

Cornette :
Coiffure de certaines religieuses.

Louise Vanaen de Voringhem :
Probablement la sœur qui soigna Rimbaud à l'hôpital Sain-Jean de Bruxelles à la suite du tir de pistolet de Verlaine en juillet 1873.


Léonie Aubois d'Ashby :
Le bois d'Ashby se trouve en Écosse. Le château d'Ashby, aujourd'hui en ruines est décrit dans Ivanhoé de Scott. André Breton, reprendra le personnage en consacrant un autel à Léonie Aubois d'Aschby durant l'exposition internationale du surréalisme qui se tint à Paris en 1947.

Lulu :
Jojo et Lulu sont toujours des personnages truculents, lulu dérive du mot luxure
Femme qui évoque les amours saphiques chantées par Baudelaire. Verlaine publiera sous pseudonyme (Pablo de Herlagnez), sous le manteau un recueil de poésies saphiques, Les Amies.


Madame***
Madame suivi de 3 étoiles apparaît dans "après le déluge", elle établit un piano dans les Alpes.

Baou :
Onomatopée ou verbe malais signifiant puer, interjection de dégoût.

Fébrifuge :
Qui abaisse la fièvre. Parmi les plantes fébrifuges, la benoîte, le chardon à foulons, le saule blanc. L'âche ou céléri ou persil des marais est une plante diurétique à forte odeur.

Saint vieillard :
Sans aucun doute Verlaine, métamorphosé par sa conversion religieuse lors de son séjour en prison à Mons à la suite du coup de feu sur Rimbaud. Verlaine qui avait 10 ans de moins paraissait un vieillard pour le jeune et fringant Rimbaud. L'Ermitage n'est autre que la prison de Mons où Rimbaud restera enfermé 2 ans (voir mon site sur Verlaine http://verlaineexplique.free.fr)

Circeto :
Combinaison des mots Circé la magicienne de l'Odyssée, qui transforma en animaux les compagnon d'Ulysse, et Ceto qui veut dire baleine en grec (cétacé).

Spunk :
Mot anglais qui signifie courage, en argot anglais signifie "sperme". Certains voient dans ce passage de façon cachée l'acte solitaire, l'onanisme, "ma seule prière muette".
Mais plus alors
Cela rappelle le nevermore de Verlaine, le jamais plus. Ici il n'y a pas de négation mais plus a un double sens, additif en adverbe d'intensité constituant une amélioration, un progrès ou négatif de quelque chose de perdu.
Voyages métaphysiques
La métaphysique est une recherche rationnelle de la connaissance, une spéculation sur les idées, la vérité, Dieu, généralement très abstraite.


La chronologie des Illuminations
1872
En juillet Rimbaud et Verlaine partent pour la Belgique et l'Angleterre, l'adolescent revient à Charleroi et a probablement commencé à composer "Illuminations"
1873
Rimbaud retourne à Londres au chevet de Verlaine, malade, le 10 juillet Verlaine tire sur Rimbaud. Fin d'une saison en Enfer
1874
Rimbaud part en Angleterre avec Germain Nouveau, il y compose la majorité des Illuminations
1875
Dernière entrevue de Rimbaud et Verlaine à Stuttgart, Rimbaud remet à Verlaine le manuscrit des Illuminations.

13 avril 2021

Démocratie

"Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois étouffe le tambour.

"Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.

"Aux pays poivrés et détrempés ! - au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires.

"Au revoir ici, n'importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce ; ignorants pour la science, roués pour le confort ; la crevaison pour le monde qui va. C'est la vraie marche. En avant, route !"

 

13 avril 2021

Génie

spaceIl est l'affection et le présent, puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été, - lui qui a purifié les boissons et les aliments - lui qui est le charme des lieux fuyants et le délice surhumain des stations. Il est l'affection et l'avenir, la force et l'amour que nous, debout dans les rages et les ennuis, nous voyons passer dans le ciel de tempête et les drapeaux d'extase.

Il est l'amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et imprévue, et l'éternité : machine aimée des qualités fatales. Nous avons tous eu l'épouvante de sa concession et de la nôtre : ô jouissance de notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour lui, lui qui nous aime pour sa vie infinie...

Et nous nous le rappelons, et il voyage... Et si l'Adoration s'en va, sonne, sa promesse sonne : "Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges. C'est cette époque-ci qui a sombré !"

Il ne s'en ira pas, il ne redescendra pas d'un ciel, il n'accomplira pas la rédemption des colères de femmes et des gaîtés des hommes et de tout ce péché : car c'est fait, lui étant, et étant aimé.

O ses souffles, ses têtes, ses courses ; la terrible célérité de la perfection des formes et de l'action.

O fécondité de l'esprit et immensité de l'univers.

Son corps ! Le dégagement rêvé, le brisement de la grâce croisée de violence nouvelle !

Sa vue, sa vue ! tous les agenouillages anciens et les peines relevés à sa suite.

Son jour ! l'abolition de toutes souffrances sonores et mouvantes dans la musique plus intense.

Son pas ! les migrations plus énormes que les anciennes invasions.

O lui et nous ! l'orgueil plus bienveillant que les charités perdues.

O monde ! et le chant clair des malheurs nouveaux !

Il nous a connus tous et nous a tous aimés. Sachons, cette nuit d'hiver, de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de regards en regards, forces et sentiments las, le héler et le voir, et le renvoyer, et sous les marées et au haut des déserts de neige, suivre ses vues, ses souffles, son corps, son jour.

 

Plan
Introduction
1-Un Génie d'éternité et d'amour universel
2-Un hymne à la liberté
3-Une description précise
Conclusion
La souffrance des hommes deviendra un chant clair


Introduction
Génie sans article est le dernier texte des illuminations dans lequel Rimbaud fait une sorte d'hymne à l'arrivée d'un personnage imaginaire féerique, à qui sait le héler et le voir comme jadis Socrate dans ses extases conversait avec son bon génie, le Daïmon, sorte de médiateur entre lui et les dieux. C'est donc bien une vision, une apparition mais une vision d'un absolu. Les génies sont déjà apparus dans deux précédents poèmes, "Les sœurs de charité" de Poésies et "Conte" d'Illuminations. Génie est un personnage imaginaire fortement imprégné de culture grecque, un symbole d'harmonie, de beauté qui concentre toutes les ambitions et les prétentions de Rimbaud. Ayant eu le privilège de l'apercevoir, il veut comme Zola écrire l'évangile des temps nouveaux. Génie est un texte non daté retrouvé en 1895


I-Un Génie d' éternité et d'amour universel
"Il est l'affection", il, c'est le bon génie, la bonne conscience qui vous prend en affection, s'attache à vous, fait partie de vous, vous donne les bons conseils et vous faire prendre les bonnes décisions. C'est un bon génie qui vous arrache à l'étau de la famille, à l'ennui du village, à la rigueur et à la monotonie de la vie terrestre, aux travaux des champs de l'été, il ouvre la maison. Génie vous aime et vous incite à l'action, au mouvement, à la mutation, à la découverte du monde des villes, des lieux fuyants comme ceux qu'on observe depuis un train, aux délices des haltes dans les auberges. Un souffle hivernal vous emporte loin des ennuis et font surgir une surenchère d'images, autant d'extases visuelles, d'ivresse de liberté que même la nourriture à un goût différent, comme purifié en comparaison de la fadeur de la soupe familiale habituelle. Il est l'affection, un sentiment d'attachement, il a su se substituer à l'affection que notre jeune poète n'a pas connue, un père qui quitte le foyer à ses 6 ans, une mère autoritaire et froide comme un hiver écumeux. Le bon génie brise les cloisons, enfonce les portes de son souffle puissant, ouvre la voie à la satisfaction des désirs, aux aspirations, aux élans. Mais génie s'apparente aussi au paroxysme extatique, un état rapide, sans conscience de la réalité, sans limites, sans infirmité temporelle, un état divin où l'on veut voyager à loisir dans le temps et l'espace, virtuel, mais espace de liberté totale et de possession immédiate. Génie n'est pas un dieu ou le fils de Dieu de la religion catholique, il est l'intermédiaire entre l'homme et Dieu, en le suivant on accède au sacré, au divin, il vous arrache à l'opacité pour vous restituer le désir, il ne faut pas le retenir trop longtemps sans trop savoir pourquoi, danger ou une multitude de taches à effectuer ? Si Rimbaud emprunte à la religion catholique qu'il égratigne comme toujours, les rédemptionsles péchés, les agenouillages, la descente du ciel, les superstitions, l'adoration, pour lui ce sont des anciens corps, qu'il demande de rejeter, "arrière", pour accéder à l'absolu, à la perfection des formes et de l'action. Rimbaud emprunte une partie de sa démonstration au modèle grec. Génie est amour, la mesure parfaite et réinventée, la raison merveilleuse et imprévue et l'éternité : machines aimées des qualités fatales. Les grecs sont des amoureux du beau, du bien, des figures géométriques et harmonieuses. Le monde est harmonie. C'est en vivant selon sa propre nature que chacun accomplit sa destinée et concourt pour sa part à l'harmonie universelle, le cosmos, idée particulière à la religion des grecs qui a pour conséquence une morale politique et sociale. Mais l'homme est soumis à deux forces opposées, sa volonté, sa force mais aussi sa conscience qui soumet sa volonté, lui montre chez ses semblables une force identique à la sienne, un même droit à respecter. Le génie est donc amour, affection, attachement à son prochain, dépassant le simple respect, le respect des règles, de la morale, c'est un don de soi, un partage total avec les êtres aimés, le contraire de l'orgueil même bienveillant pour vivre en harmonie avec les lois éternelles des dieux qui maintiennent l'ordre du monde par l'équilibre des forces.

2-Un hymne à la liberté
Si pour les grecs anciens, l'homme ne peut vivre seul, s'il est libre dans la cité, il doit respecter des lois, autant d'obligations morales qui bien que consenties par tous et justes n'en sont pas moins aliénantes. Le génie de Rimbaud ne sera donc pas un nouveau dieu qui s'adresserait à l'homme, mais l'homme lui même, avec sa conscience, dans une quête d'absolu, un être réel qui passe de l'aliénation à la liberté, de la loi à la liberté, de l'inertie à l'action, du monde misérable de souffrance dans lequel il vit vers un monde de liberté et lumière " Ô monde! et le chant clair des malheurs nouveaux ! Le génie de Rimbaud n'est pas extérieur, il est en chacun de nous, mais encore faut il savoir le reconnaître et le suivre. Le génie de Rimbaud c'est pour chacun, briser ses entraves morales et lui permettre d'accéder à un possible, de virtualités exaltantes pressenties– ô jouissance de notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour lui.


3-Une description précise
Rimbaud nous donne quelques indices pour savoir reconnaître ce Génie qui doit apparaître une nuit d'hiver comme jadis l'enfant Jésus. Il est affection, amour, il voyage rapidement, souffle, a un corps mais plusieurs têtes. Rimbaud rejette l'action de l'église , sa dérive loin du message christique, ses cérémonies, ses agenouillages, son alliance avec le pouvoir. Il rejette la morale de la faute et de la rédemption,"il n'accomplira pas la rédemption des colère de femmes et des gaietés des hommes et de tout péché", et récuse le Dieu punisseur, le pêché, la culpabilité. Son génie poétique est une alternative au Christ avec pour seul mot d'ordre, réinventer l'amour, la charité, amour de Dieu et de son prochain. Génie prendra corps par le "détachement rêvé", un détachement de la réalité par le rêve, puis "le brisement de la glace croisée de violence nouvelle", des mots qui soulignent une révolution, une explosion d'amour entre les êtres. O fécondité de l'esprit et immensité de l'univers ! c'est donc bien par l'esprit qu'on va à Dieu et non par l'action. Dans "L'impossible" Rimbaud parlaient des damnés, qui se reconnaissent, se dégoûtent, et ajoute que la charité leur est inconnue. Charité voilà le mot d'ordre de notre nouvelle religion pour accéder à l'absolu.


Conclusion

Beaucoup de lecteurs placent "Génie" dans la liste des plus beaux poèmes de la littérature française, c'est pourtant un texte qui à première vue parait confus. Mais comme la plupart des textes, il faut les lire et les relire jusqu'à totale imprégnation. Ces formules, lorsqu'elles sont sur le bout de la langue effacent comme par enchantement les prétendues obscurités. Sachons donc regarder ce texte comme annonciateur d'un nouveau monde dans lequel la souffrance des 'hommes ne sera plus un bruit sourd et confus mais un chant clair, un chant que l'on écoute pour mieux soigner et guérir ceux qui souffrent.

Vocabulaire

Charité

Amour de Dieu et du prochain, l'une des 3 vertus théologales.

Rédemption

Rachat du péché et et obtention du salut.

Affection
Sentiment d'attachement pour quelqu'un

Génie
Dans l'antiquité, esprit bon ou mauvais présidant à la destinée de chaque homme ou protégeant certains lieux. C'est aussi un personnage imaginaire, féerique sorte de lutin, de gnome.

Le bon génie des grecs anciens
Les grecs peut-être parce qu'il ne mangeait pas tous à leur faim ont une passion pour les banquets (étymologiquement, banquet est l'action de boire ensemble), ces banquets célèbrent souvent la victoire d'un champion. A la fin du banquet, on boit un peu de vin pour célébrer le bon génie, Agathos Daïmon.
Les génies chez Rimbaud
Dans Les sœurs de Charité (Poésie), 1er quatrain.
Le jeune homme dont l'œil est brillant, la peau brune,..../..Adoré dans la Perse, un Génie inconnu.
Dans Conte (Illuminations)
Un soir il galopait fièrement. Un génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même. De sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d'un amour multiple et complexe ! d'un bonheur bonheur indicible, insupportable même ! Le prince et le Génie s'anéantirent probablement dans la santé essentielle. Comment n'auraient-ils pas pu en mourir ? Ensemble donc ils moururent. Mais ce prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le prince.
La musique savante manque à notre désir.
Évangile
4 livres qui regroupe les message du Christ (la bonne nouvelle).
Les 4 évangiles d'Émile Zola
Après les Rougon-Macquart et Trois villes, Rougon écrit trois des 4 volumes de son évangile ayant pour titre Fécondité, Travail, Vérité. Le 4ème volume, Justice est resté à l'état de notes.

Publicité
Publicité
<< < 10 11 12 13 14 15 16 > >>
Publicité
Archives
Publicité